Depuis que la Russie a décidé d'appliquer le prix du marché au gaz qu'elle livre à l'Ukraine, la crise energetique est là. L'Ukraine est un grand consommateur de gaz et même si elle en produit grâce à des réserves appréciables, cela ne suffit pas. Elle produit environ 20 milliards de mètres cubes par an pour une consommation estimée à 60 milliards de mètres cubes.Tant que la République sœur de Russie facturait ce gaz à un « prix d'ami », l'économie ukrainienne se portait bien. L'industrie est très dépendante du gaz naturel.Mais depuis que le gouvernement ukrainien issu des élections présidentielles de 2004 s'est fixé comme objectif d'adhérer aussi bien à l'Union européenne qu'à l'OTAN, la Russie a décidé de ne plus subventionner l'économie ukrainienne et d'appliquer pour le gaz le prix du marché. En 2008, les échanges avec l'Union européenne totalisaient environ 40 milliards d'euros. Depuis 2008, l'Ukraine est membre de l'OMC. Mais le nouveau prix du gaz impose à l'Ukraine d'accélérer les réformes pour éviter l'effondrement.La moitié de la consommation des entreprises provient du gaz et l'augmentation du prix pourrait mettre en difficulté les entreprises déjà touchées par la crise.Olexandr Todiychuk est un expert présent sur la scène énergétique depuis une trentaine d'années.Il est président du Club international de l'énergie de Kiev, conseiller du ministre du Pétrole et de l'Energie, après avoir été de 2001 à 2006 membre de conseils d'administration de plusieurs compagnies énergétiques, y compris celui de Naftogas. Le réseau de transport du gaz de l'Ukraine est le second en importance après celui de la Russie. La capacité d'entrée est de 200 milliards de mètres cubes et pour la sortie, elle est de 170 milliards de mètres cubes. L'UE dépend de la Russie et la Russie dépend de l'Ukraine, nous explique Olexandr Todiychuk. Près de 80% du gaz importé par l'Europe de Russie transite par l'Ukraine. Il y a une surconsommation de gaz en Ukraine, selon lui. Cela est dû surtout au fait que les installations industrielles sont dotées de technologies obsolètes qui remontent aux années 1950. Le prix bas de l'énergie n'a pas impulsé l'investissement dans les nouvelles technologies, selon Olexandr Todiychuk. Revenant sur le contrat signé au mois de janvier dernier sur le nouveau prix du gaz, l'expert estime que l'époque est difficile mais elle est intéressante puisque le nouveau prix va stimuler la mise en place de nouvelles technologies, faciliter les économies d'énergie et attirer des investisseurs étrangers.De plus, l'Ukraine dispose d'une expérience d'un siècle dans l'activité du pétrole et du gaz.la production gazière de l'Ukraine qui est de 21 milliards de mètres cubes pourrait être portée à 30-35 milliards de mètres cubes si de nouveaux gisements sont mis en valeur. S'il y a des économies d'énergie, il sera possible de diviser par deux la consommation du gaz naturel. L'Ukraine dispose de ressources énergétiques importantes, gaz, charbon... On n'évoque pas beaucoup le potentiel nucléaire ukrainien à cause de l'accident de Tchernobyl. L'Ukraine disposait du troisième arsenal dans le monde après les deux superpuissances Russie et USA. Sur le plan de la consommation énergétique, elle dispose de 5 centrales nucléaires (dont 4 en activité après la fermeture de Tchernobyl).Il y a 15 réacteurs en cours d'exploitation qui fournissent environ 48% de l'électricité du pays. L'Ukraine a été obligée d'arrêter quatre réacteurs suite à la catastrophe de Tchernobyl en 1986. C'est en Ukraine que se trouve la plus grande centrale nucléaire d'Europe (Zaporizhzhia). Elle est classée troisième au monde.L'Ukraine dispose aussi des réserves appréciables d'uranium.Comme elle peut développer les énergies renouvelables au même titre que les autres pays européens en utilisant les expériences des pays avancés dans ce domaine.Trois raisons principales ont empêché l'Ukraine de mener les réformes, selon Olexandr Todiychuk. L'existence d'une zone de non transparence dans le secteur du gaz et du pétrole à cause d'un lobby puissant qui a donné naissance à une caste de riches qui peuvent être gênés par les réformes. La deuxième cause serait l'utilisation par la Russie de l'énergie comme levier d'influence et la troisième cause serait l'existence de 6 ou 7 clans (pétrole et gaz, métallurgie, sidérurgie...) qui contrôlent 80% de l'économie nationale.La lutte des ces clans nés après la libéralisation ne permet pas de stabiliser l'économie. L'Ukraine est obligée de définir une stratégie énergetique. Elle bénéficiait d'un atout qu'elle vient de perdre avec l'alignement du prix du gaz sur celui du marché. Comme elle est obligée de mener les reformes nécessaires et d'utiliser toutes ces potentialités naturelles si elle veut éviter de s'enliser davantage. Actuellement, une grande bataille a lieu pour les nouvelles routes du gaz. La Russie veut contourner l'Ukraine pour mieux investir l'aval dans les pays consommateurs européens en initiant deux nouveaux gazoducs, le North Stream et le South Stream. Tandis que l'Ukraine défend son statut de pays de transit en faisant appel à l'UE pour moderniser son réseau de gazoducs. L'Ukraine possède le deuxième réseau de gazoducs au monde après celui de la Russie. Il comprend 37 600 km de gazoducs, 73 stations de pompage et 13 réservoirs.La bataille ne fait que commencer.