Le Premier ministre irakien a enfin pris acte du blocage de la vie politique sans, bien entendu, en assumer la moindre responsabilité, alors que ses partenaires ne cessent de le pointer du doigt, l'accusant même de comportements peu conformes avec l'esprit démocratique. Ce qu'on appelle le pouvoir personnel, et tout le monde sait où cela peut mener. Aussi, Nouri Al Maliki, arrivé au pouvoir en 2006 et reconduit en 2010, a convoqué hier des élections anticipées susceptibles de mettre fin à la crise institutionnelle et politique en Irak. «Alors que l'autre partie refuse de s'asseoir à la table du dialogue et continue de provoquer des crises politiques successives qui nuisent gravement aux intérêts suprêmes du peuple irakien, le Premier ministre s'est vu obligé de convoquer des élections anticipées», indiquait hier un communiqué officiel, sans s'étaler sur la partie adverse ainsi visée, quoi qu'il soit clair depuis bien longtemps déjà qu'il s'agit bien d'une bataille pour le pouvoir et non pas idéologique ou fractionnelle, même si l'Irak demeure menacé de partition, comme le révèle le bras de fer avec les dirigeants kurdes au sujet de la rente pétrolière. L'Irak, rappelle-t-on, connaît une crise politique qui s'est déclarée en décembre, au moment du retrait des troupes américaines, sous l'impulsion d'Iraqiya, bloc laïque dominé par les sunnites, qui accuse M. Maliki d'accaparer le pouvoir. Et même bien avant, si l'on devait tenir compte des problèmes auxquels s'est heurté M. Maliki pour former son cabinet au lendemain des dernières élections législatives tenues en 2010. Même les chiites de la tendance dite laïque, menée par l'ancien Premier ministre Iyyad Alaoui, s'opposent à sa politique. Ou encore les chiites fondamentalistes de l'imam Moqtada Sadr. C'est donc avec deux années d'avance que de nouvelles élections doivent se tenir. Est-ce à dire que M. Maliki a décidé de jeter l'éponge ? L'opinion est divisée, le président kurde, Jalal Talabani, ayant opposé il y a près de trois semaines une fin de non-recevoir à ceux qui lui demandaient d'organiser un vote de défiance à l'encontre du Premier ministre, invoquant le manque de soutien nécessaire des députés à une telle démarche. Dans le même temps, le président du Parlement, Oussama Al Noujaifi, a déclaré, la semaine dernière, que les députés anti-Maliki allaient réclamer prochainement une audition du Premier ministre dans une nouvelle tentative d'obtenir un vote de défiance. C'est dans un tel contexte d'affaiblissement des institutions irakiennes, voire de vide institutionnel, et de défiance que se creuse le fossé entre le gouvernement central et l'autorité de la région autonome du Kurdistan, dont les dirigeants multiplient les symboles de souveraineté, et s'opposent à Baghdad sur l'exploitation du pétrole et ses revenus. Qui signe les contrats, finit-on par se demander, et qui en tire profit ? Le président de cette région, Massoud Barzani, a multiplié ces derniers mois les attaques contre Nouri Al Maliki, tandis que la région cessait ses exportations pétrolières vers l'Irak en raison d'un contentieux financier. Le Kurdistan a également refusé de livrer à Baghdad le vice-président irakien, Tarek Al Hachémi, accusé d'avoir fomenté des meurtres, une autre question qui a davantage affaibli M. Maliki. Si la région a pour l'instant évité tout mouvement franc vers l'indépendance, ses dirigeants ne la perdent pas de vue. Ce serait la fin non seulement de l'Irak actuel, mais celle d'un long suspense, ce pays n'étant plus ce qu'il était, défait et laminé par plusieurs guerres.