La présidente par intérim du Kirghizistan, Roza Otounbaïeva, s'est rendue, hier, à Och pour rencontrer des responsables locaux et visiter des victimes des violences ethniques qui ont agité le sud du pays. Les affrontements entre Kirghizes et Ouzbeks ont fait environ 200 morts, la semaine passée, et plus de 400 000 personnes ont fui leurs habitations depuis le 10 juin, certains parvenant à se réfugier en Ouzbékistan. En déplacement dans la région, le secrétaire d'État adjoint américain Robert Blake a qualifié de «crise humanitaire» la situation dans le sud de la république d'Asie centrale et appelé à une enquête internationale sur les violences qui s'y poursuivent. «Nous exhortons le gouvernement provisoire du Kirghizistan à prendre des mesures immédiates pour stopper les violences», a-t-il dit à Andijan, ville frontalière située en Ouzbékistan où se sont réfugiés nombre de Kirghizes fuyant les affrontements. Mais le gouvernement provisoire, au pouvoir depuis le coup de force du 7 avril contre Kourmanbek Bakiev, peine à rétablir l'ordre dans cette région, bastion du président déchu. Pour les nouvelles autorités de Bichkek, Bakiev est l'instigateur de ces violences sans précédent depuis vingt ans. Elles l'accusent d'avoir organisé des bandes armées chargées d'attiser les tensions ethniques entre communautés ouzbeke et kirghize. «Le but de cette visite est de se rendre compte par elle-même de la situation et de prendre les mesures nécessaires», a précisé un porte-parole du gouvernement kirghize. Camps de fortune pour les réfugiés Otounbaïeva voyageait à bord d'un hélicoptère qui a atterri à Och où elle a rencontré des dirigeants locaux en signe de réconciliation. «Nous allons reconstruire la ville d'Och afin de permettre aux gens de revenir chez eux», a-t-elle déclaré à ses interlocuteurs selon un communiqué diffusé par le gouvernement. De nombreux réfugiés manquent d'eau et de nourriture dans les camps de fortune installés dans les plaines arides qui bordent la vallée de la Ferghana. Le secrétaire d'État adjoint américain Robert Blake a atterri lui dans la ville frontalière d'Andijan, en Ouzbékistan, où il a visité des camps de réfugiés. Il devait ensuite s'envoler pour le Kirghizistan afin d'avoir des entretiens avec les membres du gouvernement intérimaire. «Il est important de rétablir la paix afin que vous puissiez rentrer chez vous en toute sécurité», a déclaré Blake à des réfugiés par l'intermédiaire d'un interprète. «Une enquête va être ouverte pour éviter que cela se reproduise à l'avenir», a-t-il poursuivi devant des dizaines de femmes en pleurs. Le Kirghizistan est un pays stratégique pour les États-Unis, pour la Russie également. Les deux puissances, qui y ont chacune une base militaire, redoutent un renforcement des groupes islamistes à la faveur de ces troubles. «Si les populations perdent confiance dans la capacité des autorités civiles à ramener l'ordre et décident qu'une seule force est en mesure de le faire, on pourrait bien se retrouver avec un Kirghizistan s'engageant dans un scénario à l'afghane, celui de la période des taliban», souligne le président russe, Dmitri Medvedev, dans une interview accordée au Wall Street Journal. Chantier de ruines A Och, deuxième ville du Kirghizistan et point de départ des violences, les rues offrent un spectacle de bâtiments calcinés et de gravats après les émeutes de la semaine passée. Des barricades ont été érigées dans les quartiers ouzbeks de la cité, traçant une ligne de démarcation de fait avec les zones à majorité kirghize. «Les habitants d'Och ont un besoin urgent de protection et d'assistance humanitaire», estime l'organisation Human Rights Watch. «La situation tendue sur le plan de la sécurité, les barricades et les postes-contrôle ont considérablement limité la distribution de l'aide et des fournitures médicales et l'accès aux soins.» Des heurts sporadiques se poursuivaient à Och et dans d'autres régions du sud du pays, mais les violences se sont calmées depuis lundi. Le gouvernement de Roza Otounbaïeva souhaite maintenir la tenue d'un référendum constitutionnel le 27 juin comme annoncé. Les autorités intérimaires ont publié un décret précisant que le scrutin serait annulé seulement dans le cas d'un état d'urgence généralisé à l'ensemble du pays.