Le propos fait de menaces et d'ordre de tuer n'est pas nouveau, mais les Israéliens ont toutefois le mérite de la clarté en annonçant leurs crimes et ensuite, en les revendiquant. Et ce n'est pas non plus une question liée à la campagne électorale, car la pratique est ancienne. C'est ce que vient de faire le ministre israélien de la Défense prenant le risque - toujours le même - de pousser à la guerre. Par son terrorisme d'Etat que la communauté internationale se garde de dénoncer et encore moins de combattre, Israël veut amener les Palestiniens à exercer ce qui n'est rien d'autre que leur droit à la légitime défense. C'est ce que vient de rappeler Shaoul Mofaz qui a affirmé hier que le Premier ministre palestinien désigné du Hamas Ismaïl Haniyeh n'était pas à l'abri d'une élimination au cas où son mouvement « poursuivait ses activités terroristes ». Et pourtant, même les Palestiniens sont surpris par la métamorphose que vit ce mouvement venu aux affaires à la suite d'élections, lesquelles tendaient à l'éloigner de la lutte armée. Mais Israël fait tout pour l'y maintenir ou à reprendre les armes. « A partir du moment où le Hamas continuera dans la voie du terrorisme, personne au sein de ce mouvement ne bénéficiera de la moindre immunité », a affirmé M. Mofaz à la radio militaire, en réponse à une question sur un éventuel assassinat ciblé qui pourrait viser M. Haniyeh. M. Mofaz est un des dirigeants de Kadima, un parti centriste dirigé par le Premier ministre par intérim Ehud Olmert, donné favori par les sondages pour les élections législatives du 28 mars. Dimanche, Avi Dichter, un ancien dirigeant du Shin Beth, le service de sécurité intérieure, qui se trouve également à la tête de Kadima, avait menacé d'emprisonnement et de mort Ismaïl Haniyeh. « Si Haniyeh et ses gens continuent leur politique de terreur et d'assassinats, lorsqu'ils seront au pouvoir, ils se retrouveront derrière les barreaux ou rejoindront cheikh Yassine », avait prévenu M. Dichter. Il faisait allusion au fondateur et chef spirituel du Hamas, Ahmad Yassine, assassiné par Israël en 2004. Ismaïl Haniyeh a eu à subir la politique répressive israélienne pour avoir déjà échappé à une tentative d'assassinat en septembre 2003 alors qu'il était en compagnie de cheikh Yassine. Un avion de combat israélien avait largué une bombe sur une maison de Ghaza où les deux hommes se trouvaient. Il a également été emprisonné plusieurs fois par Israël durant la première Intifadha qui a éclaté en 1987. Il a été détenu durant 18 jours en 1987, six mois en 1988 et trois ans à partir de l'année suivante. Il a été expulsé le 17 décembre 1992 par l'Etat hébreu pour six mois avec des dizaines de responsables du Hamas et du mouvement radical Jihad islamique vers le Liban-Sud. Après la victoire du Hamas aux élections législatives de la fin janvier, Ismaïl Haniyeh a été chargé par le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas de former le prochain gouvernement. Shaoul Mofaz a également annoncé hier la poursuite des liquidations ciblées visant les combattants du Jihad islamique. Interrogé sur les victimes civiles de ce genre d'opérations, M. Mofaz a affirmé être « désolé lorsque des civils sont touchés ». C'est ce qu'on appelle du fascisme ordinaire. Cinq Palestiniens, dont un enfant de huit ans et deux adolescents, ont été tués lundi dernier lors d'un raid aérien israélien à Ghaza contre des militants supposés du Jihad. Tout cela dans un silence total. L'envoyé spécial des Nations unies au Moyen-Orient, Alvaro de Soto, a pour sa part dénoncé les liquidations ciblées. « Les Nations unies s'opposent aux meurtres extrajudiciaires, notamment parce que ce genre d'opération met en danger des passants innocents », a affirmé M. de Soto dans un communiqué diffusé lundi soir sujet à commentaires, car au regard du droit international, ce sont là des exécutions sans jugement, ou extrajudiciaires comme on le dit dans le jargon. Ce qui veut dire que ceux-là sont autorisés. « L'attaque menée à Ghaza contre deux Palestiniens présentés comme des activistes dans laquelle trois jeunes ont été tués et d'autres blessés illustre tragiquement ce danger », a ajouté ce responsable de l'ONU. Plus que cela, l'ancien diplomate péruvien, qui a eu à gérer le dossier du Sahara-Occidental avant d'en être relevé, se laisse aller à des considérations pour le moins dangereuses, car elles pervertissent le principe du droit « en reconnaissant le droit d'Israël à se défendre », alors même qu'Israël occupe les territoires d'un peuple.