En 2004, la mise en œuvre au niveau de la wilaya de Constantine des dispositions relatives au dispositif intitulé « Stratégie de développement rurale durable » (SDRD) et proposé par les pouvoirs publics laissait présager, entre autres impacts positifs, un avenir meilleur pour la femme rurale. Théoriquement, elle était appelée à s'insérer naturellement dans le canevas de ce projet et bénéficier au même titre que l'homme rural d'un coup de pouce pour développer, dans différents créneaux, des petits projets qui leur permettraient de vivre dignement du fruit de leur labeur et d'un savoir-faire ancestral. Or, plusieurs mois après, force est de constater que, dans cette dynamique censée dégager les mêmes droits aux uns et aux autres, la femme rurale ne récolte que des miettes, la part du lion étant accordée à la gent masculine. Sur ce point, Latifa Boulahia, militante dans le mouvement associatif féminin en général, et en particulier au sein de l'association pour la protection de la nature et de l'environnement, porte un regard critique sur cette discrimination : « La femme rurale est souvent absente des processus décisionnels et a rarement accès aux moyens de production, à la terre, aux crédits et à une rémunération équitable de son travail, car celui-ci est socialement considéré comme secondaire, alors que dans la réalité de tous les jours, elle tient une place prépondérante dans les tâches extérieures à la sphère domestique. » Loin d être une vue de l'esprit, tient-elle à argumenter, ce constat repose au contraire sur des observations de terrain et sur le résultat de plusieurs enquêtes de proximité : « Dans les zones rurales, les femmes consacrent 60 à 80% de leurs efforts aux travaux agricoles et sont de ce fait constamment confrontées au défi de gérer l'environnement et les crises de l'alimentation dans le cadre de la production de denrées pour elles-mêmes et pour leurs familles, du labour de la terre, etc. A ce titre, il est évident que la femme rurale joue un rôle crucial dans la lutte de tous les jours menée contre la pauvreté, et pour toutes ces raisons elles s'imposent indéniablement comme des partenaires incontournables dans le développement durable. » Si, à tous les niveaux, on leur reconnaît leur qualité de cheville ouvrière de la sécurité alimentaire, pourquoi les femmes rurales sont-elles aujourd'hui toujours victimes de manœuvres discriminatoires, dès lors qu'il s'agit d'attribuer des crédits et des équipement pour la création d'élevages familiales, l'exploitation de parcelles de terrain pour le développement de cultures céréalière, maraîchères ou fruitière et autres créneaux où elles excellent ? A cette interrogation, Latifa Boulahia enfonce davantage le clou dans le sérail de la misogynie, en soulignant que « les femmes rurales ne sont pas uniquement confrontées à des inégalités en tant que femmes exploitantes et agricultrices, mais également quand il s'agit d'accéder aux ressources et matières premières, à l'éducation, à la formation, à la vulgarisation et, par conséquent, à la technologie. C'est pourquoi, pour réparer les injustices qui les pénalisent et coller aux dispositions des programmes de soutien prévus à leur intention, il est urgent de les intégrer réellement dans les programmes de développement rural en leur accordant ce qui leur revient de droit. A partir de ce constat établi sur la base de données objectives, la rencontre organisée aujourd'hui au siège de la Chambre d'agriculture de Constantine, sous l'instigation de l'association Femme et terre, est l'occasion idoine pour défricher un terrain miné par les contradictions quant à la spoliation des droits des femmes du pays profond.