A quoi servent les caves ? A y entreposer vélos et bicyclettes. Ou une vieille armoire de rangement qui a été remplacée par une superbe bibliothèque dans l'appartement. Et puis on ne sait jamais, plutôt que de se débarrasser de la vieille armoire de rangement, elle pourra servir à l'aîné lorsqu'il s'installera dans sa propre maison. Alors quel meilleur endroit que la cave. Loin des yeux mais près du cœur. Et quel meilleur endroit qu'une cave pour y mettre les landaus et poussettes. Pratique puisqu'on n'a plus à les monter jusqu'au neuvième étage (sans ascenseur), les placer sur le palier et encombrer l'espace. A la cité des 1100 Logements, à Dar El Beïda, vers l'est d'Alger, chaque bâtisse dispose de plusieurs caves. Un étage en dessous des appartements, c'est un long corridor qui mène vers différents compartiments. De chaque côté de l'allée, une cave par logements. Sans porte, ni fermeture quelconque. Mais suffisamment d'espace pour y fourrer toutes sortes de choses. Une seule condition cependant : « ces choses » doivent être imperméables. Les meubles en bois doivent être entièrement recouverts d'un emballage plastique. Résistant. Les tissus en tout genre, les vieilles peluches et poupées de l'aînée seront entreposées sur des étagères. Après avoir été recouverts de matière imperméable. Non pas que les caves soient ouvertes sur des meurtrières qui laisseraient s'infiltrer l'eau de pluie. Disons plus ouvertement que pour accéder aux caves, il faut des bottes en plastique. Ou des échasses, car l'inondation qui a recouvert les lieux défie l'imagination. Les habitants de la cité des 1100 Logements, découragés, ont rangé les échasses et les bottes. Ils ont préféré investir dans les pastilles antimoustiques ou les bombes anti-insectes volants. Pour les insectes rampants, comme les rats qui apprécient tout particulièrement cet environnement, du poison à chaque étage. Et à l'entrée des caves. Dans l'une des bâtisses de la cité, à droite de l'entrée des caves : une chaise sans pied. Qui flotte au rythme des vagues. Petites houles créées par des insectes en tout genre venus faire du surf ou de la plongée. Ainsi, la chaise sans pied vogue. Invitant pour ceux qui ont des scaphandriers à s'asseoir et se laisser bercer. L'eau qui a envahi les lieux sur une hauteur de quelque 60 à 80 centimètres est relativement propre dans cette bâtisse. « L'eau qui parvient aux caves descend des tuyauteries cassées, mais c'est de l'eau propre. Pas des égouts ou des sanitaires », explique un habitant du quartier qui se propose d'être l'hôte de ces lieux. « Le pire c'est en été, on est envahi de moustiques et nous craignons les maladies à transmission hydrique. Dans d'autres bâtiments, l'eau qui est dans les caves n'est pas propre et provient des sanitaires. Les odeurs sont insupportables », continue-t-il. Des enfants qui sont présents sur les lieux prétendent qu'il n'y a pas de squat dans les caves. Pourtant quelques mégots témoignent du contraire. « C'est ainsi depuis plusieurs années. Ils sont venus une fois récurer les lieux et débarrasser les fonds de gravier, mais ça n'a pas duré », reprend l'habitant. L'eau qui recouvre la surface est en effet chargée de détritus en tout genre. Une vieille machine à laver ajoute un « cachet » au décor. Des bouteilles en plastique, des sacs poubelles, des chaussettes animent les caves de la cité des 1100 Logements. Logements neufs ou vieux, pas de différence Le décor est plus sinistre à la nouvelle cité AADL de Ouled Fayet. En provenance de Chéraga, les logements AADL s'imposent par leur hauteur. Ils dominent les collines et présentent un aspect moderne et accueillant. A distance. Sur les lieux, les bâtiments E, aux balcons rouges, ont la façade tournée vers l'intérieur de la cité. Les allées sont entretenues et les places de parking sont délimitées par des bandes blanches. En apparence, de jolies bâtisses. Le sinistre décor est du côté de la façade la moins exposée. Les sous-sols qui auraient pu recueillir des magasins ou des places de parking sont couverts et regorgés d'eau. Et le spectacle est moins « vivant » qu'à la cité des 1100 Logements à Dar El Beïda. L'eau est noirâtre et recouvre la surface sur moins d'un mètre de hauteur. Des gravats en toile de fond et une forte odeur d'humidité à l'entrée. Contrairement à la cité des 1100 Logements, dont les caves ont des ouvertures vers l'extérieur, les caves ou sous-sols de la cité AADL n'offrent aucune ouverture. Atmosphère lourde et pesante. Les bâtisses ont les pieds dans l'eau. L'impression très nette d'un jeu de cartes en équilibre et qui menace ruine au moindre coup de vent. Hormis l'insalubrité et le risque de maladies, c'est l'insécurité qui règne. Une alchimie qui défie l'entendement. Un mariage : l'eau et le béton qui ne promet pas de faire bon ménage.