La gestion bureaucratique de l'université algérienne est à l'origine de son échec. Le pays n'arrive pas, cinquante ans après l'indépendance, à mettre sur pied une institution universitaire en mesure de fournir une production scientifique ; car la politique quantitative a toujours pris le dessus sur la qualité. C'est ce qu'a expliqué Mohamed Ghalamallah, sociologue et professeur à l'université Alger 2, dans son intervention, samedi dernier, à l'occasion du colloque international «Cinquante ans après l'indépendance : quel destin pour quelle Algérie ?», organisé par le quotidien El Watan. De la réforme de 1971 à celle du LMD, l'université algérienne, lance-t-il, est otage du mode de gouvernance. «Le mode de gouvernance de l'université indissociable de celui de la société est responsable de l'échec d'aujourd'hui», déclare-t-il. L'application des réformes avec une ancienne mentalité et sans l'implication des acteurs de l'université a compromis, dit-il, toutes les démarches entreprises depuis l'indépendance. «On a voulu gérer l'université par injonction administrative sans la participation des premiers concernés, en l'occurrence les étudiants et les enseignants. Or, la réforme, même la plus indispensable, ne devient réalité que si elle est acceptée par les acteurs de l'université qui se l'approprient», souligne-t-il. Et d'ajouter : «L'université ne peut pas se réformer toute seule. Il faut faire participer les acteurs et les considérer comme des partenaires.» Mohamed Ghalamallah déplore, dans ce sens, la bureaucratie d'Etat qui a fait que tout «pouvoir dans la société n'est légitime que s'il procède par délégation d'en haut, selon le principe de la cooptation et l'allégeance». Le sociologue regrette, dans ce sens, la dépréciation du savoir en Algérie. Manipulations et dérives Pour appuyer ses conclusions, l'orateur fait une rétrospective historique de la gestion de l'université algérienne et son bilan. Il souligne d'emblée la progression quantitative de l'université tant au plan des infrastructures que du nombre d'étudiants, estimé à 1,4 million aujourd'hui. Mais la qualité laisse à désirer. Il cite, à cet effet, le classement fait en 2010 par le Forum économique mondial qui a classé l'Algérie à la 43e place sur 138 pays concernant le taux de scolarisation. En revanche, sur le plan de la qualité des études, le pays n'occupe que le 117e rang. Pis encore. Même au plan régional, notre université n'émerge pas. Selon le sociologue, la production scientifique homologuée des universités algériennes est deux fois moins que celles du Maroc et 1,5 moins que celle de la Tunisie. «Par million d'habitants, la Tunisie fournit 5 fois plus de productions scientifiques que l'Algérie», souligne-t-il, en s'interrogeant sur les raisons de cette contre-performance. Il répond : «L'université algérienne a été en perpétuelle déstabilisation. Les universités algériennes ne sont pas parvenues à mettre en place les conditions d'un véritable décollage et n'ont pas mis les moyens pour capitaliser les expériences scientifiques et pédagogiques.» Mohamed Ghalamallah revient longuement sur la réforme de 1971 qui «était bien pensée», mais «pervertie dans la pratique». Cette même réforme a été prise à contre-pied dès le début des années 1980, avec la suppression du système modulaire et semestriel. L'augmentation des flux des étudiants depuis le début des années 1990 a installé l'université dans la logique quantitative qui consiste à trouver une place physique à l'étudiant. «A partir de là, le système d'évaluation pédagogique n'a aucun sens», ajoute-t-il. La gestion centralisée de l'université et l'exclusion des acteurs ont aggravé la situation. D'où, insiste-t-il, la nécessité d'une sérieuse réforme qui permettra aux scientifiques de gérer la science.