Le décès hier du garde communal, Saïd Lasfar, 55 ans, suite aux blessures reçues lors des affrontements avec la police à Birkhadem, porte en soi un terrible symbole. S'il s'avère que ce vieil agent de l'Etat, qui a combattu le terrorisme pendant les pires années du naufrage national, est mort à la suite de la brutalité policière, une bonne partie de l'édifice injuste bâti par les politiques sécuritaires et d'amnistie (d'amnésie aussi) s'écroulerait. Sans rentrer dans le manichéisme (bien réel) des pensions pour les terroristes et le mépris des corps auxiliaires de sécurité, l'abandon de ce que l'Etat considère comme de la «chair à canon» (patriotes, anciens appelés, policiers radiés…) restera une marque de honte indélébile. Il y a une volonté claire et implacable de tourner la page en écrasant les Algériens sous le poids des feuilles de ce livre tragique qu'est, chez nous, la violence. «L'équipe au pouvoir ne veut pas entendre parler de ce qui s'est passé avant 1999», nous confiait avec dépit un conseiller à la Présidence. Même l'ANP n'a pas prévu d'honorer les victimes militaires du terrorisme à l'occasion du cinquantenaire de l'indépendance, préférant se limiter aux martyrs algériens des guerres contre Israël de 1967 et de 1973 ! Or, les sacrifices d'hier et d'aujourd'hui (les victimes continuent à tomber sous les balles assassines et les bombes artisanales) nous rappellent à chaque instant que le moindre oubli, le moindre mépris, ne peut qu'être ressenti par l'Algérie qui a résisté que comme une trahison. Le certificat de décès de Saïd Lasfar mentionne comme cause du décès une «hémorragie par accident». Espérons, pour ce pays et ses enfants, que ce ne soit pas une «hémorragie par trahison».