L‘autoroute qui relie Shenzhen à Guangzhou, dans la provence de Guandong au sud-est de la Chine, est marquée par des haltes pour le péage. L'arrêt ne dure que quelques secondes. Des millions de véhicules passent par cette autoroute qui continue vers les profondeurs nordiques de la Chine (le pays occupe un quart de la surface de l'Asie). Difficile d'apercevoir les terres agricoles. Les deux côtés de la route, on peut voir à l'infini des bâtisses surmontées de gros panneaux publicitaires : des usines et des ateliers. Sur les balcons, du linge est étendu. Les ouvriers, parmi les moins payés au monde, habitent sur place. Les chambres sont construites en forme de carrés superposés. Comme Shenzhen au Sud, Guangzhou (ou Canton) dispose également d'une vaste zone économique. Les autres grandes villes de Chine sont des municipalités qui relèvent directement de l'autorité centrale. A l'image de Pékin (ou Beijing), Shanghai, Tianjin et Chongqing. Sur les 500 meilleures entreprises au monde,127 sont installées à Guangzhou. Fondée en 214 avant J.-C., Guangzhou, dont le nom antique est Panyu, a une longue tradition de commerce avec l'extérieur commencée avec les Romains et les les Indiens deux siècles après J.-C. Puis avec les Arabes sous la dynastie des Tang qui a régné sur le pays pendant 300 ans. Les échanges ont continué avec les Portugais et les Britanniques venus en conquérants. La célèbre Compagnie des Indes y avait même installé un comptoir. En 1750, l'Asie réalisait 70% du commerce international. Ce qui arrive aujourd'hui semble être un juste retour des choses. « L'Europe est absolument la fin de l'histoire, l'Asie son commencement », écrivait en 1899 le philosophe allemand Friedrich Hegel qui pourtant considérait l'Asie comme « barbare ». Guangzhou, qui en mandarin, langue officielle de Chine, signifie ville vaste, est située en bordure de la Rivière des perles. Le grand delta de ce cours d'eau est une région économique parmi les plus développées du pays. Considérée comme « le poumon de la Chine », elle englobe une bonne partie du Sud s'étalant sur neuf provinces comme le Hunan, le Fujian, le Jiangxi, le Guangxi, le Hainan, et le Guizhou. S'ajoutent à cet espace, les régions administratives spéciales de Hong Kong et de Macao. Presqu'un tiers de la population chinoise vit dans le grand delta de la Rivière des perles qui s'étend sur 2 millions de kilomètres carrés, un peu moins de la surface de l'Algérie. A la nuit tombée, cette rivière, qui a donné du charme à Canton, brille de mille étoiles. Le cygne blanc de Shamian Les bordures sont colorées par des lumières étudiées, du bleu par-là, du mauve par-ci, du rouge et du blanc plus loin. Le feuillage des arbres est mis en valeur par des lumières étudiées également. Les urbanistes chinois ont compris que pour séduire, il est impératif de bien illuminer la ville, faire en sorte de créer, le soir venu, des tableaux dynamiques donnant l'impression d'une action continue. Ce festival de couleurs est visible des étages supérieurs du White Swan Hôtel (l'hôtel du cygne blanc) qui domine la Rivière des perles. Au 23e étage, le visiteur peut admirer les bateaux-mouches faire le va-et-vient sur ce cours d'eau. Le matin, les embarcations de marchandises prennent le relais en un mouvement incessant. Ce cinq étoiles de 843 chambres, aux tarifs variant selon les saisons et oscillant entre 100 et 500 dollars, est propriété de l'Etat. Il est membre de « Leading Hotels of the World », classement des meilleurs établissements au monde. Depuis son ouverture, le White Swan a reçu quarante chefs d'Etat et souverains, dont la reine Elisabeth II d'Angleterre, le président Bush père des Etats-Unis... La nature luxuriante du Sud chinois est miniaturisée dans le hall de l'hôtel à travers une cascade. Les restaurants, qui proposent de la cuisine cantonaise et japonaise, offrent une vue imprenable sur la rivière. La légende raconte qu'un riche et véreux marchand, fou amoureux de pierres précieuses et de perles, traversait la rivière à bord d'une embarcation chargée de ces produits de valeur. Et voilà qu'une tempête se lève et renverse le bateau... « La nuit, vous verrez les perles scintiller au fond de l'eau », raconte, sans poésie aucune, un jeune Chinois. L'île de Shamian, où est dressé le White Swan, s'étend sur 24 000m². C'est dans cet endroit qu'ont été conclus les accords avec les Américains et les Européens au XVIIIe siècle. Ici, la plupart des constructions, qui sont de type colonial, racontent l'histoire de presque cent ans de présence étrangère. On peut facilement comparer les rues à celles de Lisbonne, de Londres ou d'Amsterdam. Le quartier est verdoyant. Le célèbre jardin Banyan, une fierté de l'île, attire les touristes qui viennent déguster du poisson ou se livrer à des exercices sportifs communs. Le week-end, ce jardin est animé de jour comme de nuit. L'espace public est toujours ouvert dans les villes chinoises, surtout celles situées sur la côte. Des couples se baladent avec une insouciance presque énigmatique. « La Chine connaît sans aucun doute une révolution sexuelle », a déclaré, citée par le Journal du Peuple, la sociologue et philosophe Li Yinhe. Témoin d'un changement de mœurs, la ville de Guangzhou compte au moins deux bars gaysfriendly. Cette chercheuse à l'Académie des sciences sociales de Pékin prévoit que les Chinois « rattraperont » les Occidentaux dans un délai de moins de 20 ans. Tout le monde est prévenu ! Li Yinhe a été récemment élue par l'Asian Weekly parmi les 50 premiers Chinois les plus influents. La nuit est froide. La rue est animée au centre de la cité. Cinquième ville de Chine de par la taille, Guangzhou est jumelée à l'allemande Francfort, à l'italienne Milan, à la française Lyon et à la britannique Birmingham. Presque 12 millions d'habitants y vivent. Chaque année, en avril et en octobre, la ville abrite la célèbre Foire internationale, au top 10 des meilleures manifestations mondiales, où tous les produits sont exposés, négociés ou vendus. Cela va de la chaussette au microprocesseur. Cette foire attire de jeunes commerçants et des hommes d'affaires algériens. Ils viennent surtout de Sétif, de Bir Al Atter, de Blida, de Aïn M'lila, d'Oran, de Batna et d'El Eulma. « Ils connaissent bien les règles de cette manifestation. Ils concluent les contrats », explique Mohamed Ziad, manager de Premier Asia Overseas Ltd. Cette entreprise est dirigée par Noureddine Benzina. Certains jeunes commerçants reviennent en Algérie avec des containers de marchandises : chaussures, vêtements, produits électroniques, pièces détachées pour automobile... Lieu de rencontre pour les Algériens Aristo Hotel ou Mecca Café. Lieux fréquentés également par de nombreux Moyen-Orientaux. Des restaurants ont ouvert ces 4 dernières années à Guangzhou comme le Shami House, qui propose de la cuisine libanaise et syrienne, ou le Sultan Restaurant, spécialisé dans la cuisine turque. Pluie sur Citic Plaza Une pluie fine tombe sur Guangzhou ce samedi matin. Activité intense dans les rues, boulevards et ponts de cette ville, dont le poids économique la place en troisième position après Shanghai et Pékin. Son produit intérieur brut (PIB) est en croissance constante. Son PIB par habitant, 7000 dollars américains (presque égal à celui de la Russie), l'installe en première place en Chine. La plupart des organismes financiers ouvrent le week-end. Il existe 3000 banques à Guanzghou dont 70 succursales de banques étrangères. Les tours, qui s'alignent et qui rivalisent par l'esthétique architecturale, donnent à Canton, nom européen de Guangzhou, un aspect de métropole. Des chantiers éparpillés signalent le caractère vivant de la métropole. Des chantiers d'où n'émanent ni bruit ni poussière. Inutile de chercher les recettes. Les constructeurs veillent toujours à couvrir les bâtiments en chantier de filets géants comme pour garder une certaine intimité. Direction Tian He North road, au cœur de Guangzhou. C'est là que se dresse la Citic Plaza, l'un des dix plus hauts gratte-ciel au monde. Achevée en 1996, la bâtisse, qui se distingue par sa couleur verte aquatique et par son aspect soft et moderne, mesure 391 m de hauteur et comporte 80 étages. Elle a été conçue par le réputé cabinet d'architecture hongkongais Dennis Lau & NG Chun Man. Au 25e étage, se trouvent les bureaux de Premier Asia Overseas Ltd qui possède qui également des offices à Hong Kong. Cette entreprise fait dans les services et le commerce multiples. Noureddine Benzina, la quarantaine, s'est installé à Guangzhou depuis des années. Il a acheté un appartement et évolue presque comme un poisson dans l'eau. « Existe-t-il une minorité qui peut faire bouger les choses en Algérie ? A qui s'adresser ? A la presse ? Au patronat ? A qui ? », s'interroge-t-il, exprimant une certaine déception. « Les Chinois me disent qu'ils veulent bien investir en Algérie mais ne savent pas à quel interlocuteur s'adresser. Cela me fait mal de voir mon pays rater des occasions », dit-il. L'importation par l'Algérie de produits de mauvaise qualité le fait bondir de son siège. « On importe du textile dangereux, des chaussures qui peuvent créer des maladies, des jouets à la qualité douteuse...Il faut que l'Algérie renforce le contrôle aux frontières », conseille-t-il. L'homme est « un créateur » d'entreprises et détecteur de bonnes affaires. Il assure, en Algérie, la distribution de cartes téléphoniques à travers des boites de droit algérien. Il vient de mettre en place, à Alger, World Network Solutions (WNS), boite spécialisée dans la distribution de solutions pour le paiement électronique. Dirigée par le jeune Adel Khalef, formé dans des universités américaines, WNS aspire à consacrer dans la pratique la recharge virtuelle des cartes téléphoniques (on aura plus besoin de gratter ou scratcher !). « C'est plus facile et cela rendra un grand service à l'environnement », déclare Adel Khalef qui se fait aider par des as de l'informatique et de la monétique. Selon lui, la dématérialisation du cash est possible. Il suffit d'y croire. WNS est partenaire de Hypercom qui fournit des solutions de paiement électronique comme les terminaux (TPE) et les équipement réseaux. Hypercom est aussi spécialisé dans le e-commerce. WNS a également des liens avec Paybox qui se distingue par une technologie avancée permettant de faire des négociations financières à travers le téléphone portable ou faire des achats via internet. Paybox services est leader mondial en matière de monétique « multibanque » qui propose une approche globale du traitement de flux de paiements sur les métiers de la vente à distance. La firme accompagne « l'audit de sécurité » imposé par Visa et Mastercard. Mastercard, selon Noureddine Benzina, est intéressé par l'investissement en Algérie. Mais des blocages de nature inconnue semblent freiner ce déploiement. Résultat : Mastercard s'est installée au Maroc. L'inexistence d'interconnexion bancaire en Algérie empêche tout développement de solutions novatrices. Les roadshows de Benzina et de Khalef auprès des opérateurs économiques arrivent à convaincre mais pas plus. « La monétique va un jour ou l'autre fonctionner en Algérie », dit Adel Khalef, quelque peu optimiste.