«Je n'ai pas reçu tous les soutiens que la cause méritait. J'ai fait de mon mieux mais (…) la militarisation croissante sur le terrain et le manque évident d'unité au sein du Conseil de sécurité ont fondamentalement changé les circonstances pour l'exercice effectif de mon rôle.» C'est par ces propos que Kofi Annan, qui avait été nommé médiateur de l'ONU et de la Ligue arabe en Syrie en février dernier, a expliqué à Genève jeudi après-midi qu'il allait mettre fin à ses fonctions le 31 août prochain, date de l'expiration de son mandat. Sa démission avait été annoncée un peu plus tôt par le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon. Les réactions ont aussitôt afflué. Y compris de Syrie. Si pour Washington, ce départ «met en relief l'échec de la Russie et de la Chine», la décision de l'émissaire onusien illustre par contre, selon Paris, une «impasse dramatique». Moins pessimiste, le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague a, de son côté, souligné que le plan Annan «offrait toujours la meilleure chance» de restaurer la paix. En réaction à l'«agression» américaine (la déclaration ndlr), le gouvernement russe n'a pas hésité, à son tour, à pointer du doigt l'opposition syrienne et les grandes puissances occidentales pour expliquer la démission de Kofi Annan. «Malheureusement, l'opposition syrienne a constamment rejeté toutes les propositions pour établir un dialogue politique. Nos partenaires occidentaux (et) certains Etats de la région (Qatar, Arabie Saoudite et Turquie, ndlr) qui auraient pu influencer l'opposition n'ont rien fait», a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué rendu public hier. Les Russes accusent l'opposition et les Occidentaux Calant sa position sur celle des Russes, Damas a aussi accusé les «Etats qui cherchent à déstabiliser la Syrie» d'avoir «entravé» la mission Annan. Moscou considérait les efforts de Kofi Annan visant à ouvrir un dialogue direct entre le régime de Bachar Al Assad et l'opposition syrienne comme le seul moyen de mettre fin à 17 mois de violences. C'est en tout cas l'argument maintes fois avancé pour s'opposer au Conseil de sécurité de l'ONU à toute sanction contre le régime de Bachar Al Assad. Qualifiant ainsi de «très regrettable» la décision de M. Annan, Moscou a par ailleurs appelé à lui trouver «d'urgence» un successeur. «Il convient de trouver d'urgence un digne successeur à K. Annan. Le maintien d'une présence de l'ONU dans le pays revêt une importance particulière dans la situation actuelle», a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué. La même source insiste sur l'idée, en outre, que la mission d'observation de l'ONU en Syrie est «un facteur important pour assurer un soutien international aux aspirations légitimes des Syriens à déterminer eux-mêmes les moyens de parvenir à un développement démocratique et indépendant de leur pays». En clair, Moscou continuera encore à s'opposer à toute politique d'ingérence. Dur, dur de trouver un successeur à Annan M. Annan avait, rappelle-t-on, proposé un plan de paix en six points prévoyant une cessation des combats et une transition politique. Ce plan, appuyé par le Conseil, n'a toutefois jamais été appliqué. Le Conseil de sécurité de l'ONU ayant jusqu'à présent échoué à faire pression sur les protagonistes du conflit syrien. «L'envoyé spécial des Nations unies et de la Ligue arabe se retire mais l'urgence d'un cessez-le-feu, du départ de Bachar Al Assad et d'une transition politique respectant toutes les communautés syriennes est plus pressante que jamais. La transition signifie que Bachar Al Assad doit tôt ou tard partir», a prévenu l'émissaire à Genève. Aussitôt l'annonce du départ de Kofi Annan faite, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a entamé des consultations avec son homologue de la Ligue arabe Nabil Al Arabi pour «nommer rapidement un successeur». Il a estimé que le plan Annan «reste le meilleur espoir pour le peuple de Syrie». M. Ban Ki-moon n'a pas caché, lui non plus, que «les divisions persistantes au sein du Conseil (...) rendent le travail de tout médiateur beaucoup plus difficile». L'allusion est faite au dernier veto mis le 18 juillet dernier par les Russes à un projet de résolution occidental prévoyant de sanctionner le régime s'il persistait à bombarder les villes rebelles et à l'extension des combats à Damas et Alep (nord). Les Occidentaux reprochent, en effet, à la Russie et à la Chine de ne chercher qu'à protéger leur allié syrien. Depuis, la mission d'observateurs mis en place en Syrie par l'ONU (Misnus) en avril dernier a été réduite de moitié. Son chef, le général norvégien Robert Mood, est parti et l'un des deux adjoints de M. Annan, le Français Jean-Marie Guehenno, a lui aussi quitté son poste. Le Conseil a prolongé le mandat de la Misnus jusqu'au 19 août mais en avertissant qu'elle partirait alors si les conditions de sécurité et les circonstances politiques ne s'amélioraient pas très nettement.