Derrière ses épines, la figue de Barbarie cache une suavité extrême. Au goût exquis, ce fruit longtemps méconnu commence à retrouver ses lettres de noblesse. Ce fruit des pauvres, comme préfèrent l'appeler certaines personnes, a envahi, ces dernières années, les marchés et les quartiers de la capitale. Des vendeurs qui sillonnent les rues et les ruelles avec une charrette ont trouvé dans la vente de ce fruit un gain sûr et considérable. Entre 5 et 10 DA la pièce, selon le quartier, la figue de Barbarie se vend comme des petits… pains, témoignent des amateurs de ce fruit… épineux. Les Algérois ont redécouvert ce fruit, qui reste, il faut le dire, «redouté» à cause de ses épines. Mais là, l'astuce a été trouvée. Le client n'aura pas à éplucher cette figue. Le label des vendeurs est : «El hendi wal mouss man aândi.» «C'est le fruit des pauvres. Il est accessible à toutes les bourses. Même les pauvres doivent manger des fruits. En plus, c'est un fruit succulent et sucré», nous a expliqué un commerçant ambulant installé devant la sortie du marché communal d'El Biar. Refusant d'indiquer les bénéfices de ce commerce, il s'est contenté de nous affirmer : «La vente de ce fruit ne m'a pas rendu riche, mais je gagne bien ma vie.» Une phrase que nous ne pouvons pas contredire, vu le nombre de clients. A ce sujet, une dame nous a dit : «C'est un bon fruit à moindre coût. En plus, vous pouvez faire du jus ou une compote avec, c'est selon. D'autre part, son coût est bas comparativement aux prix d'un litre de jus ou d'une bouteille de boisson gazeuse. Et cela, sans parler de ses valeurs nutritives.» En effet, dans plusieurs régions du pays, la figue de Barbarie est prisée par une grande partie de la population. Une boisson à base de jus de figue de Barbarie est le breuvage le plus demandé pendant la période d'été, notamment. La prédilection pour ce «nectar» semble s'accroître durant les journées de grandes chaleurs. Dans ce sens, un autre client nous a affirmé que les vertus désaltérantes et nutritives de cherbet el hendi (jus de figue de Barbarie) sont «indéniables» en raison notamment de la bonne teneur en glucose du fruit. Jus à volonté Il apporte, soutient-il, une sensation de fraîcheur qui fait beaucoup de bien, surtout en période de grandes chaleurs. Cherbet el hendi est préparé à base de figues de Barbarie que l'on broie après les avoir débarrassés de leurs nombreuses graines et que l'on parfume ensuite en utilisant, selon le goût, différents arômes, un peu d'eau, du sucre et, parfois, du lait mélangé à du sirop.Ce breuvage, que l'on trouve «délicieux», est vendu entre 40 et 60 DA le flacon de 1,5 litre, soit moins cher qu'une bouteille de jus de fruits de 100 cl. Le jus du fruit de l'opuntia est aussi vendu dans des sachets en plastique dans lesquels l'on plonge quelques boules de glace parfumées selon le goût de chacun. Dans certaines régions de l'est du pays, ce fruit est en phase d'être «élu» roi des fruits. Son prix a chuté pour atteindre les 2 à 2,5 DA la pièce. Certains amateurs, soucieux de ne pas en manquer, s'approvisionnent en bidons de 5 litres, parfois après de longues chaînes, devant les boutiques des commerçants qui ont en fait une spécialité. Un citoyen affirme qu'il peut consommer jusqu'à deux litres de cette fraîche décoction par jour. L'on y va d'autant plus gaiement avec cet élixir que la figue de Barbarie a vu son prix chuter considérablement durant cet été. A l'est du pays, elle est cédée entre 2 et 2,5 DA la pièce, selon sa forme, sa grosseur et sa couleur, alors qu'il fallait, pour s'en délecter, débourser 4 à 5 DA. Cela explique que le fruit de l'opuntia (un genre de cactus dont cette région regorge) soit devenu le dessert le plus «couru» par les habitants de certaines régions de l'Est, notamment à Ouenza et ses alentours, nous a raconté une dame rencontrée au marché Ali Melah du 1er Mai. Aujourd'hui, les superficies consacrées à la culture de l'opuntia s'étendent sur 30 000 hectares. L'extension des superficies a été menée par le Haut commissariat au développement des steppes, la direction des services agricoles et la Conservation des forêts. Le but, à l'origine, était de lutter contre l'avancée du désert. Si les effets de cette stratégie antidésertification ne pourront être évalués qu'à plus ou moins long terme, son impact immédiat peut aisément être mesuré devant les petites échoppes des vendeurs de «cherbet el hendi». El hendi, en fruit ou en cherbet, reste un vrai régal pour les connaisseurs, sommes nous tentés de dire.