A l'heure où le Japon commémore dans la douleur et la contrition le triste anniversaire de l'explosion des bombes nucléaires américaines dans les villes d'Hiroshima et Nagasaki, il serait sans doute utile de s'interroger sur l'avenir du nucléaire en Algérie. Le drame d'Hiroshima avait valeur de test ayant permis d'ouvrir la voie au programme nucléaire civil et militaire. En Algérie, les réserves prouvées d'uranium sont de l'ordre de 29 000 tonnes. Le pays nourrit l'ambition de mettre en œuvre son programme nucléaire pacifique, afin de couvrir ses besoins énergétiques. Une initiative qui semble aller à contre-courant de la tendance mondiale et des cris d'alarme internationaux appelant à l'abandon du nucléaire. C'est que l'atome a toujours été un rêve porté par tous les dirigeants algériens qui se sont succédé à la tête de l'Etat. Notre pays possède deux réacteurs nucléaires : El Nour à Draria (2 mégawatts) et El Salam à Aïn Oussera (15 mégawatts) inspectés régulièrement par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) pour s'assurer qu'il n'y a aucune velléité à développer l'arme atomique. Le business de l'atome Inauguré en 1993, le réacteur El Salam, d'une puissance de 15 mégawatts, a été construit avec l'aide des Chinois. Les services secrets espagnols avaient établi un rapport, en 1998, soulignant que les installations algériennes étaient en mesure de produire du plutonium de type militaire. Les démentis d'Alger n'ont pas convaincu l'Institut français d'analyse stratégique (IFAS) qui affirmait dans un rapport que «le programme nucléaire algérien et la volonté de l'Algérie de se doter de la bombe atomique préoccupent au plus haut point le département d'Etat américain». Aujourd'hui, la diversification des partenaires en matière de coopération nucléaire civile semble rassurer les grandes puissances. Au final, le business aura pris le dessus sur les suspicions. Des Etats, d'ordinaire prompts à dénoncer la volonté algérienne de développer l'atome, n'ont pas hésité à signer des contrats pour le développement du nucléaire civil. En juin 2007, Alger et Washington signaient un accord de coopération nucléaire civil, principalement dans la recherche scientifique avec le Sister Laboratory. En Algérie, le nucléaire civil est destiné généralement à des projets de recherche dans les secteurs de la santé, de l'agriculture et de l'eau. Un «diable nécessaire» ? L'argument des défenseurs de l'atome consiste dans le fait qu'il serait le «diable nécessaire», indispensable pour assurer le développement économique et l'approvisionnement en électricité. Une thèse récemment démentie par le pays le plus traumatisé par le nucléaire, le Japon. Le ministre japonais de l'Industrie a jugé, le 7 août dernier, lors des cérémonies de recueillement à la mémoire des victimes de la bombe nucléaire, «envisageable que le Japon se passe complètement d'énergie nucléaire à partir de 2030», sans que cela porte préjudice à l'économie du pays. Le gouvernement nippon planche actuellement sur la définition d'un nouveau bouquet énergétique. C'est que le sentiment antinucléaire qui s'est développé après la catastrophe de Fukushima était plus intense que celui généré par le drame de Tchernobyl en 1986. Dans notre pays, peu de voix s'élèvent pour condamner l'atome. Alors que de nouvelles centrales devraient voir le jour d'ici à 2020, de nombreuses questions sur le programme algérien restent posées. L'Algérie, pays sismique, est-il à l'abri de catastrophes telles que Fukushima ? Que fera-t-on des déchets rejetés par les centrales nucléaires ? Peut-on se passer du nucléaire ? Pourquoi ne pas miser sur les énergies renouvelables, sachant que le pays dispose d'une des plus grandes réserves d'énergie solaire au monde ? Le Japon, pays deux fois traumatisé ayant subi le feu nucléaire et l'accident navrant, est un cas d'école. Les autorités de Tokyo ont beau assurer que personne n'était directement mort des radiations libérées par la fonte du combustible des réacteurs de Fukushima, beaucoup de ceux qui ont fui la région vivent toujours avec la peur nucléaire au ventre.