Le vieux routier de la chanson kabyle a gratifié l'assistance d'un concert exceptionnel, où se sont mêlées ballades classiques et contemporaines. Chansons dosées en paroles et en harmonies, voix chaude, humeur joviale. A 65 ans, Djamel Allam, le phénix de la chanson kabyle moderne des années 1970-1980, est bien de retour. Invité le week-end dernier dans le cadre du Festival local de la musique et de la chanson kabyles de Béjaïa, l'auteur de la célèbre Maradyughal (Quand il reviendra) a gratifié le public présent, à la salle des spectacles de la maison de la culture Mouloud Mammeri, d'un concert exceptionnel, où se sont mêlées ballades classiques et contemporaines. Entouré de son inséparable orchestre, Djamel Allam a repris l'essentiel de ses tubes fétiches composées en berbère et en arabe dialectal depuis… 40 ans. Très à l'aise sur scène et communicatif, il débute son récital par Ya lghali Allah, un titre connu qui a fait sa renommée artistique au début de sa carrière. Accompagné au micro par la jeune et talentueuse choriste Monia, l'hôte de la ville de Tizi Ouzou enchaînera avec Ya tir el qafs (L'oiseau de la cage) de cheikh H'ssisen, puis Gatlato, un autre succès. Sans intermède, il remémorera la grandeur de l'homme et de l'artiste El Hachemi Guerrouabi, dans Ya khouya el Hachemi, une superbe chanson émouvante, puisée de son dernier album Le youyou des anges sorti en 2008, chez Belda. «J'ai beaucoup fréquenté Guerrouabi, Allah yarahmou. Cette chanson écrite par Hafid Djemaï a été composée en hommage à ce grand maître de la musique chaâbie. Sa disparition est une grande perte pour la chanson algérienne.» Sans s'économiser ni ménager ses cordes vocales, Djamel Allam reprendra plus loin, Ayema azizen ourestsrou, le chant révolutionnaire de Farid Ali. Dans un autre morceau intitulé Awid afusim, il rend hommage aux hommes de culture assassinés durant les années noires du terrorisme vécues par l'Algérie. «A l'instar des valeureux chouhada de la guerre de libération qui se sont sacrifiés pour l'indépendance du pays, nous ne devons pas oublier les martyrs tombés lors de la décennie noire, parmi eux le regretté Matoub Lounès.» A 20h, soit une heure après le début de son spectacle, Djamel Allam cède sa place à Monia. Resplendissante et débordante de fraîcheur, la jeune choriste remettra au goût du jour, d'une voix sublime, quelques chansons de légende de Dahmane El Harrachi : Wajbili ya âssima, Yal hadjla, dekk ezzine, Ya rayeh. S'en suivra Urassru, un tube repris par Brahim Tayeb devant le public, à la demande de Djamel Allam. «Quand j'écoute Djamel Allam, j'ai envie de chanter», confie Brahim Tayeb, qui s'est dit «ravi» de chanter aux côtés de son idole. Autre surprise de la soirée, la présence de Boualem Bouzouzou, le petit-fils du cheikh Mahmoud Bouzouzou qui a charmé l'assistance en revisitant magnifiquement Ya Belaredj, une chanson écrite par son défunt grand-père et reprise par la suite par de nombreux artistes dont Fadhila Dziria. «Ya belaredj, ya touil el gaima ; yalli saken bin el ghoroff lethnine ; materaâchi fi b'hiret lala ; moulet el khalkhal bouratline». (Ô cigogne de grande taille ; qui habite entre les deux chambres ; ne te nourris pas dans le jardin de ma bien-aimée ; qui porte des bracelets aux chevilles de deux livres). Toujours d'attaque malgré le poids des années, le vieux routier de la chanson kabyle remontera sur scène aux environs de 21h, pour clôturer en beauté en entonnant Alhu, Rouh Rouh et Ya mohand serbi latay. Présent au spectacle, Karim Abranis écoutait religieusement.