Sans avoir peur d'exagérer, on peut qualifier de tragédie humaine la situation de près de 1500 Palestiniens, bloqués dans le côté égyptien du point de passage frontalier de Rafah. Plus de 2500 autres attendent dans les localités et les villes égyptiennes les plus proches. Ce poste frontalier est le seul qui relie la bande de Ghaza à l'Egypte voisine. Faute de pouvoir rentrer chez eux, à cause de la fermeture depuis deux semaines, par les autorités israéliennes, de la partie palestinienne de ce point de passage. Ce nombre important de Palestiniens s'est retrouvé dans cet espace réduit, dépourvu des services adéquats. Pour toutes ces personnes, survivre dans la dignité devient une mission difficile. Parmi ces Palestiniens, parqués comme des bêtes dans cet endroit insalubre qui ressemble à un grand hangar, on retrouve des femmes, des enfants, dont des malades qui y reviennent après avoir subi des traitements dans des centres spécialisés. La canicule qui sévit en cette période de l'année à cet endroit, considéré comme la porte nord du Sinaï, est encore plus forte à l'intérieur de ce qui devrait être la salle d'accueil de ce poste, dont la toiture est faite de tôle. Les rares ventilateurs qui ne sont pas en panne ne changent rien à cette atmosphère suffocante. Le plus dur, pour ces gens dont la patience est une anthologie, c'est certainement le manque d'eau. Certains doivent en acheter non seulement pour boire mais aussi pour faire leurs ablutions. Il est évident qu'il ne faut pas parler de douche, un luxe dont ils sont privés depuis leur arrivée sur les lieux. Beaucoup commencent à présenter des signes cliniques de maladies cutanées à cause du manque d'hygiène et des piqûres d'insectes. Les services de la santé militaire égyptienne ont ouvert un point médical pour subvenir à certains besoins des malades. Doté de faibles moyens, il s'est avéré peu efficace. Une femme enceinte a même mis au monde un bébé qu'elle a appelé Maâbar ou « passage » en français, afin, dit son père, que son nom lui rappelle toujours dans quelles conditions il a vu le jour. Avec ce nombre très important de personnes dans un même endroit, il n'est pas utile de décrire les toilettes dont le nombre est limité. Des odeurs nauséabondes s'en dégagent. Dans ce poste frontalier où tout se vend au triple ou au quadruple de son prix, se nourrir se limite à des sandwiches de fromage ou des petits gâteaux secs. Depuis quelques jours, des organisations humanitaires, telles que le Croissant-Rouge des Emirats en coordination avec le Croissant-Rouge égyptien, distribuent des repas aux voyageurs. Même les vieux cartons qui servent de matelas, la nuit venue, leurs sont vendus par des « charognards » attirés par l'odeur de l'argent. Fathi, un père de famille, est parmi ces malheureux qui sont contraints, de vivre cette expérience. Par téléphone, il a déclaré à El Watan : « Il faut endurer et vivre l'expérience pour pouvoir vraiment ressentir les souffrances physiques et psychiques de ces personnes, qui ne demandent qu'à rentrer chez elles. Parmi nous, certains qui travaillent à l'étranger n'ont pas vu leur famille depuis des années. Une médiatisation de notre situation à grande échelle pourrait servir de pression sur le gouvernement de Sharon et l'obliger à mettre un terme à cette situation qui n'a que trop duré. » El Mizane, une organisation palestinienne non gouvernementale de défense des droits de l'homme, a porté plainte auprès de la Haute Cour de justice israélienne. Le verdict a été en faveur du gouvernement israélien auquel elle a laissé un délai d'un mois pour trouver une solution à cette situation. D'ici là et malgré les efforts fournis, il faut espérer des autorités égyptiennes un meilleur traitement pour ces Palestiniens, qui demeurent ses hôtes, tant qu'ils sont sur son sol. Dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères, l'Autorité palestinienne a lancé un appel aux Nations unies, au comité de la Croix-Rouge internationale ainsi qu'à l'Organisation mondiale de la santé pour l'ouverture du point de passage de Rafah. Israël, dont l'oppression contre les Palestiniens ne connaît pas de limite, utilise les méthodes de punition collective même contre les voyageurs. Imaginons le tollé à l'échelle planétaire que produira l'interdiction par un pays voisin à un groupe d'Israéliens ou de juifs de rentrer chez eux.