Un décret présidentiel délègue au Premier ministre le pouvoir de présider les réunions gouvernementales. Abdelmalek Sellal, nommé le 3 septembre au poste de Premier ministre, après 4 longs mois d'hypocinésie gouvernementale, bénéfice-t-il d'une bien meilleure bienveillance que son prédécesseur ? Délégation anodine de prérogatives ou passation en douce du pouvoir ? Le président Bouteflika vient de signer un décret (n°12-327 du 4 septembre 2012) déléguant au (nouveau) Premier ministre, Abdelmalek Sellal, une partie de ses prérogatives à l'effet de présider les réunions gouvernementales. La présidence de la République invoque, pour ce faire, les dispositions de l'article 77 de la Constitution qui définit les pouvoirs et prérogatives du Président. Le point 6 de cet article – point introduit lors de la révision constitutionnelle du 15 novembre 2008 – stipule que «sous réserve des dispositions de l'article 87 de la Constitution, le président de la République peut déléguer une partie de ses prérogatives au Premier ministre à l'effet de présider les réunions du gouvernement». Si cette délégation est une première au regard de la Constitution amendée en 2008, dans la pratique, il n'en est rien. L'ex-Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a eu en effet à diriger nombre de réunions gouvernementales et conseils interministériels sans qu'aucune délégation de prérogative, ne lui ait pourtant été officiellement signifiée. Question : pourquoi Ahmed Ouyahia n'a-t-il pas bénéficié d'un décret similaire alors qu'il est resté à ce poste plus de quatre ans après la révision de la Constitution ? Mystère et boule de gomme. Abdelmalek Sellal, nommé le 3 septembre dernier au poste de Premier ministre après 4 long mois d'hypocinésie gouvernementale, bénéfice-t-il d'une bien meilleure bienveillance que son prédécesseur ? Aura-t-il les coudées franches pour diriger une équipe gouvernementale voguant à la dérive, profondément marquée par les éclipses récurrentes – pour raisons de santé notamment – du chef de l'Exécutif, le président de la République en l'occurrence ? Pas si sûr. Les «réunions gouvernementales»- évoquées une seule fois dans la Constitution – contrairement au Conseil des ministres – n'est pas une «institution» consacrée dans la Loi fondamentale. Les décisions importantes, stratégiques, sont prises d'abord par le président de la République et accessoirement en Conseil des ministres. Autant dire que les «réunions gouvernementales» que s'apprête à présider le Premier ministre ne déborderont pas le cadre strictement technique. Par ailleurs, la Constitution voulue et amendée par Bouteflika, en 2008, a mis fin à la fonction de «chef du gouvernement» et a réduit à sa plus simple expression la fonction de Premier ministre. L'hyperprésidentialisme d'Abdelaziz Bouteflika a étouffé bien des institutions, celle de Premier ministre entre autres, confiné dans le rôle subalterne de «coordinateur» du gouvernement. «Le Premier ministre met en œuvre le programme du président de la République et coordonne, à cet effet, l'action du gouvernement», énonce l'article 79 de la Constitution. L'article 85 (amendé) définit comme suit les attributions du Premier ministre : «Il (Premier ministre) répartit les attributions entre les membres du gouvernement, dans le respect des dispositions constitutionnelles ; il veille à l'exécution des lois et règlements ; il signe les décrets exécutifs après approbation du président de la République ; il nomme aux emplois de l'Etat, après approbation du président de la République et sans préjudice des dispositions des articles 77 et 78 ci-dessus ; il veille au bon fonctionnement de l'administration publique.» Fin de citation.