Le président de la FED, Ben Bernanke, a annoncé la semaine dernière un troisième plan de soutien à la conjoncture économique américaine. Le QE3 est une intervention dite d'assouplissement quantitative de la FED pour racheter à raison de 80 milliards de dollars par mois de dettes douteuses du secteur de l'immobilier auprès des institutions parapubliques de refinancement des hypothèques (Fannie Mae et Freddie Mac), la FED prévoit également d'acheter à raison de 40 milliards de dollars mensuellement de titres de dette américaine de court terme afin de permettre au Trésor de la remplacer par de la dette de long terme et soulager ainsi sa structure de l'encours actuellement dominée par la dette de court terme. Enfin, la Fédéral Reserve a déplacé à la mi-2015, au lieu de la fin de l'année 2014, la date minimale à partir de laquelle une remontée du taux directeur, actuellement proche de zéro, peut s'envisager. A deux mois seulement de l'élection présidentielle américaine, les effets de ce nouveau coup de pouce à l'activité ne peut pas profiter au candidat sortant, Barack Obama. Le cycle «vertueux» de l'injection de nouvelles liquidités a besoin, dans les meilleures conditions, de celles d'une expansion du crédit, d'un trimestre au mieux pour rejaillir sur les carnets de commande des entreprises. Mais l'orientation générale de la politique monétaire de la FED durant le mandat Obama a aidé à stabiliser la terrible dégradation de 2008-2009. C'est d'ailleurs sans doute pour cela que le candidat républicain, Mitt Romney, a déclaré clairement souhaiter le départ du président de la FED s'il était élu. Les républicains n'aiment pas que l'institut d'émission menace la parité du dollar et la valeur de la grosse épargne des nantis. L'enjeu est vieux comme le capitalisme. La Banque centrale doit-elle d'abord songer à soutenir la création d'emplois ou à lutter contre l'inflation ? La question paraissait définitivement tranchée. En fait, pas tout à fait. Depuis trois ans, les Banques centrales des pays de l'OCDE changent discrètement de paradigme. Par glissements successifs. Elles sortent d'un univers annoncé immuable. Celui de gardiennes de l'ordre quantitatif de la monnaie. Protectrices de l'épargne contre l'inflation, de la valeur de la monnaie contre l'érosion. C'est la doctrine monétariste de la monnaie passée de l'école de Chicago aux cabinets gouvernementaux à la faveur du retournement des années 70. Choc pétrolier, inflation, stagnation. La déferlante du Reaganisme et du Tatcherisme a taillé les récifs des banques centrales. Fin des largesses néo-keynesiennes. Mission prioritaire, contrôle strict de la masse monétaire. Puis de prioritaire, la mission de lutte contre l'inflation est devenue quasi unique. Ce rôle univoque des banques centrales est contesté depuis le début de la crise dans le camp de Romney. En réalité, il était chancelant avant même le coup de tonnerre des subprimes en septembre 2007. Alan Greenspan, le prédécesseur de Bernanke à la tête de la FED, a bien entretenu la bulle spéculative du crédit immobilier en prolongeant de plusieurs années la politique de détente monétaire lancée en 2001 pour pallier l'éclatement d'une autre bulle, celle d'Internet. En réalité, le discours des grands argentiers dans le monde n'a pas changé. Ils ont toujours un commentaire privilégiant la surveillance de l'inflation. Ils savent qu'ils ne doivent pas déplaire aux marchés. Aux détenteurs de capitaux. Mais depuis 2007, c'est toute la viabilité de l'édifice capitaliste mondial qui est en jeu. Alors, déroger devient vital. Bern Bernanke et son board de la FED le font. La Banque centrale japonaise le fait depuis plusieurs années. La Banque centrale européenne y arrive. Sur le bout des pieds. Les taux bas ne suffisent plus. Le rachat à grande échelle de la dette souveraine des pays du sud de l'Europe est inévitable pour éviter l'effondrement. Face à l'incendie des impayés souverains et à l'enlisement dans la récession que provoquent les politiques de rigueur, le retour au financement monétaire des déficits est incontournable dans les pays industriels. Il l'est d'autant plus que l'inflation qu'il est censé générer, et qui fait tant peur à Romney et à ses amis, n'est pas systématique. L'inflation aux Etats-Unis est restée inférieure à 2% sur un an à fin juillet dernier. Une grande partie des 3000 milliards d'injections de liquidités aux banques depuis trois ans sont restés dans un circuit fermé FED, Trésor, banques commerciales, FED. Pas parvenus aux entreprises ou aux ménages. C'est dire qu'en doctrine monétaire comme en politique, il est plus facile de basculer de la gauche vers la droite que l'inverse.