Quarante-cinq familles habitent les anciennes écuries de l'éleveur Mokhbat dans la cité portant son nom, remplaçant ainsi les vaches et veaux. Les anciens ouvriers avaient occupé les lieux avant l'indépendance et y ont demeuré contre un loyer des plus légaux, aucune commission d'hygiène à l'époque n'ayant statué sur les conditions de vie. Aujourd'hui, des enfants, étant nés à cet endroit-même, ont grandi et formé des familles en ces lieux, sis à 50 m du siège de la wilaya de Blida d'un côté et à 100 m du cimetière de Sidi Hallou de l'autre. Asthme, rhumatisme, tuberculose, bronchites aiguës et cancers de différentes natures sont les maladies les plus récurrentes dans cet espace indigne de l'être humain. 186 enfants ont été recensés lors de notre visite aux 35 « résidences » contenant 45 familles. Les espaces réservés à de petites cours ont été transformés en petites chambres pour jeunes filles ou jeunes hommes. Des senteurs infectes prennent à la gorge à l'entrée de chacune des maisons de manière systématique. Les responsables de l'environnement, de la santé publique, de l'urbanisme devraient organiser des visites et décider du sort de ces citoyens, dont plusieurs sont au chômage, certains hospitalisés et d'autres décédés depuis peu. Les locataires payaient 1000 DA de loyer mensuel, mais refusent aujourd'hui de continuer faute de délivrance de reçus. « Pour l'établissement d'un dossier de logement, il est exigé une justification de résidence et les héritiers de Mokhbat réclament la libération des lieux et ils ne veulent pas nous remettre ce fameux reçu ! Que faire ? », se lamente une mère élevant seule ses enfants et travaillant comme femme de ménage dans une entreprise étatique. Une homme frêle, père de 9 enfants dont quatre sont scolarisés, n'arrive pas à comprendre comment sont distribués les logements : « A chaque cérémonie, je me permets d'espérer, puis ma haine envers le pays s'accroît ! Cependant, je n'ai aucune qualification pour tenter l'aventure et j'ai beaucoup d'enfants. » Il sera appris qu'il est né lui-même dans cet espace. Des femmes ont pris l'habitude de se prémunir contre les éventuels besoins ne pouvant assouvir de nuit, devant sortir pour atteindre les toilettes publiques et risquant ainsi de tomber sur des présences agressives. « Dois-je réveiller mon fils pour être accompagnée ? Même un camping sauvage dispose aujourd'hui de commodités à l'échelle humaine ! », dira l'une d'elles. Les attestations du service de l'urbanisme de la commune de Blida sont montrées avec tous les détails démontrant l'urgence de l'évacuation, mais les familles sont toujours là. « Une seule chambre dans un état de dégradation avancé, toit fissuré, absence d'hygiène, absence d'aération, présence d'un taux d'humidité avancé », termes transcrits dans un rapport datant de 2003, signé par le responsable de l'urbanisme et signifiant l'attribution urgente de logements. Un simple calcul fait ressortir que plus de 700 logements sociaux ont été distribués depuis sans que ces familles en bénéficient. A 30 m de la cité, passe la RN 1, et les quelques commerces auxquels il a été rendu visite évoquent l'état d'insalubrité sous toutes ses formes du lieu, appelé de leurs vœux à être rasé. Il y va de la santé publique.