Une grande tension avait régné lors des longues et répétitives files pour un sac de semoule à la Sempac de Tazmalt, en présence de gendarmes, en octobre 88. 24 ans après 5 octobre 88, la brèche qui promettait une réelle ouverture démocratique se referme progressivement. Vingt quatre ans sont passés depuis la révolte populaire d'octobre 1988 et les victimes en sont encore à réclamer un statut qui mettrait fin à celui d'accidentés de travail. C'est le combat que mène encore l'association des parents des victimes et des blessés du 5 octobre 1988 de la wilaya de Béjaïa qui interpelle, pour la énième fois, les pouvoirs publics pour corriger une injustice. «Nous avons pendant vingt quatre ans milité pour que ces événements soient reconnus par l'Etat Algérien comme une révolution pour la démocratie en Algérie» écrit l'association, dans une précédente déclaration, à l'adresse du ministre des Affaires étrangères qui déclarait, dans le sillage des révolutions arabes, que «l'Algérie a fait sa révolution il y a 20 ans». «(…) Alors pourquoi aujourd'hui encore ces victimes et leurs familles perçoivent des rentes de misère d'accident de travail (3 000 DA) ? Pourquoi monsieur le ministre l'arrêté datant de 2011, relatif à l'indemnisation des victimes de cette révolution, qui a épargné le pire à l'heure actuelle avec les révolutions arabes, signé par le ministre de l'Intérieur et celui du Travail, n'a pas été exécuté ni respecté par la direction générale de la CNAS ni par ses directions de wilayas ?» s'interroge l'association des victimes (AVO). L'application que réclame l'AVO concerne, entre autres points, le versement d'un capital décès et l'alignement, avec effet rétroactif, au SMIG des pensions versées actuellement à concurrence de 3000 DA pour les personnes décédées et d'à peine 2000 DA par mois pour les blessés. «Si nous sommes des accidentés de travail, montrez-nous alors où nous avons travaillé» ont souvent rétorqué les blessés d'Octobre 88. Aujourd'hui, ils revendiquent surtout un statut de «victimes de Tragédie nationale». Béjaïa a déploré cinq morts lors de la répression sanglante qui s'est abattue en octobre 1988 sur une révolte que l'on ne s'est pas empêché en haut lieu de qualifier de «chahut de gamins». Quatre jeunes citoyens sont tombés, pour rappel, dans la journée du 5 octobre (Bouaoudia Athmane, Deba Mahmoud, Temassine Abdelhamid et Ouari Nacer) à Béjaïa, alourdissant un bilan ouvert trois jours auparavant, le 2 octobre, avec la mort dans les mêmes circonstances d'un autre jeune citoyen de la wilaya (Kheloufi Arezki). La répression avait aussi fait son lot de blessés. «Je me souviens de cette triste journée du 9 octobre. Il était 11h30. Nous marchions sur la rue de la Liberté vers la Maison de la Culture lorsque nous avons essuyé des tirs de la gendarmerie. La marche était pourtant pacifique» se remémore un marcheur d'octobre. Pour d'autres, le souvenir de l'émeute de Tazmalt est intact. Une grande tension avait régné lors des longues et répétitives files pour un sac de semoule à la Sempac de Tazmalt, en présence de gendarmes, en octobre 88. Le ras-le-bol s'était vite exprimé par des coups de colère qui ont gagné la ville. «Des jeunes ont été torturés» se souvient un militant. «J'ai vu un gendarme en tenue, genou au sol, du côté de l'actuel siège de l'APC viser et tirer. Le bruit de la détonation indiquait qu'il s'agissait d'une balle réelle. Un filet de sang a coulé de l'épaule jusqu'au bassin du jeune homme qu'elle a touché par derrière» rapporte un autre militant, habitant la ville de Béjaïa. «On avait sorti des chars d'assaut et usé de fusils à baïonnettes et non des canons à eau ou des matraques» ajoutent d'autres. 24 ans après 5 octobre 88, la brèche qui promettait une réelle ouverture démocratique se referme progressivement. «Ce soulèvement populaire sans précédent dans le monde arabo-musulman, n'a pas été suivi des changements espérés et auquel aspiraient les jeunes manifestants» déplore l'AVO.