La vente de moutons a fait sa réapparition dans les milieux urbains, malgré la «guerre officielle» déclarée à l'informel et les campagnes de nettoyage annoncées en grande pompe par le gouvernement. Dans plusieurs quartiers de la capitale, des locaux sont transformés, à l'approche de l'Aïd, en espaces de vente de moutons, ce qui perturbe la tranquillité du voisinage et dégrade le cadre de vie, portant atteinte aux lois de l'urbanisme et à la gestion de la ville. Dans un lotissement considéré comme huppé de la commune de Mohammadia, à Alger, plusieurs garages ont été transformés en lieu de vente de bétail. Le rez-de-chaussée d'une villa à la façade décorée de pierre taillée a été transformé, ces derniers jours, en étable ; le foin épars sur le trottoir et les odeurs se dégageant de cet «enclos» ont converti les lieux en ferme temporaire. Les garages abritaient auparavant un atelier d'entretien de véhicules. En face de cette demeure, un terrain clôturé, situé entre deux villas de plusieurs étages, sert aussi de lieu de vente de moutons. Les murs ne laissent pas entrevoir les bêtes, mais les bêlements attirent l'attention des passants et agacent les voisins qui ne savent plus à quelle porte frapper. «Je ne comprends pas comment on laisse ce genre d'activités enlaidir les lieux. Décidément, tout peut se vendre et n'importe où», s'indigne un habitant du quartier les Tamaris où sont situés les deux «étables». Un panneau «mobile» informe les passants de ce point de vente. Les jeunes vendeurs, ou gardiens, veillent à informer les curieux : «Les moutons sont à partir de 30 000 DA.» Des enfants sortant d'une crèche située juste à côté supplient leurs parents pour y jeter un coup d'œil. «Je veux voir le petit mouton», insiste une fillette. A Réghaïa, plusieurs garages ont été transformés en étables. Les odeurs s'en dégageant dérangent le voisinage, qui se plaint de la facilité accordée à ce type de commerçants pour trouver des locaux en plein centre-ville. «Il faut que les autorités sévissent contre ce genre de sous-location. Il est inadmissible que des commerces se transforment en étable chaque année et que des individus s'enrichissent sans aucun investissement», s'indigne un riverain. En attendant l'arrêté du wali Les va-et-vient des curieux ou clients potentiels, à la recherche d'informations concernant les prix de ces bêtes destinées au sacrifice, dérangent la quiétude de ces quartiers, calmes d'habitude. Les autorités locales se retrouvent «impuissantes» devant l'ampleur que prend cette vente anarchique de bétail qui revient chaque année. «Des lotissements sont dégradés par ce genre d'activité. Nous nous trouvons face à un problème de cadre de vie, d'hygiène et d'urbanisme sans pouvoir faire quoi que ce soit», explique Merzouk Lakrouz, président de l'APC de Rouiba, qui dit avoir subi pendant des années ce genre de pratiques. Il faut savoir que la vente de moutons est régie par un arrêté du wali qui fixe les points de vente dans chaque commune. Ces lieux sont choisis selon la disponibilité des espaces qui ne doivent pas causer de tracas au voisinage ni présenter de risques pour la collectivité. L'an dernier, la vente a été carrément interdite dans les centres-villes des communes ; elle n'a été spécifiée qu'à celles disposant de terrains adéquats, à l'extérieur des agglomérations et qui ne présentent pas de gêne à la circulation. A moins de 20 jours de l'Aïd El Adha, «les services de la wilaya n'ont émis aucune note faisant référence à un quelconque arrêté du wali concernant la vente des moutons», affirme le même élu local. «La lutte contre ce phénomène relève des prérogatives des services de sécurité, qui devraient interpeller tous les vendeurs informels», enchaîne notre interlocuteur. Les béliers à l'heure du Net Au moment où certains «chasseurs des bonnes affaires» défient les règles du marché et bafouent toutes les normes d'hygiène et de bon voisinage en profitant du laxisme des autorités, d'autres commerçants font preuve de civisme et joignent technologie et profit. Ainsi, plusieurs sites internet spécialisés dans la vente en ligne regorgent d'annonces déposées par des maquignons et revendeurs de moutons. Ce moyen réduit les tracasseries qui se dressent devant le consommateur pour dénicher le «bon mouton».