Après avoir accompli le devoir sacrificiel de l'Aïd El Adha, les agents de Netcom ont redoublé de labeur pour débarrasser le plancher de l'espace public des restes de l'ovidé et des senteurs de foin et de crottin qui encensaient la cité. Un décor urbain que d'aucuns abhorrent en longueur et en largeur, pendant que d'autres l'assimilent au corollaire d'une tradition, «sunna» qu'il faudra s'acquitter au risque d'envoyer paître le B.A.-Ba de la salubrité publique. En voyant la bête envahir la capitale avant les fêtes de l'Aïd El Adha, il y a ceux qui jubilent de voir la citadinité rurbanisée, ceux qui regrettent l'absence d'espace d'aménagement pour accueillir la «oudhia» et ceux qui envoient valdinguer la tradition ibrahimienne. Trois visions dès lors s'affrontent. Chacune tente de défendre sa plate-bande. Des idées qui, parfois, se confrontent dans des débats aussi stériles qu'elles finissent par devenir complexes dans nos cités. Faut-il perpétuer le rituel millénaire sans pour autant faire un effort visant à offrir les conditions matérielles d'une modernisation qui permet d'accomplir le «nahr» ? Sommes-nous tenus d'égorger le mouton du «noussouk» dans une ambiance qui épouse davantage les contours du folklorique ? Ou faut-il supprimer, par voie de fatwa, le rituel pour ne pas incommoder certains esprits «bien pensants», dont la crétinerie est moins liée à la cherté de la bête et le désordre qu'elle génère dans la ville, qu'à l'acte sacrificiel qu'ils considèrent comme une fiction ? Ceux-là mêmes qui confondent entre tasse de l'ben et canette de bière. Il n'est pas faux de constater que certains ménages contractent une dette pour s'approprier l'ovin ou le bovin, juste pour répondre aux caprices des enfants, ou amenuisent la charge symbolique de la tradition millénaire, à travers des subsides qu'ils tirent des arènes de combat qu'ils organisent honteusement, alors que d'autres s'ingénient à balayer d'un revers de main l'usage qu'est l'offrande à Dieu, le rituel du père d'Ismaël qu'ils voient, par méchanceté, abus de langage ou ignorance inapproprié. Entre l'une et l'autre tendance qui écule ou rabaisse quelque part le sens du sacrifice, n'y a-t-il pas maldonne ? Bien que l'abus n'évacue pas l'usage, le juste milieu ne serait-il pas celui d'accomplir le rite religieux en toute quiétude, communion, et sans immodération ? De même que la blessure d'une main ne nous offre pas le droit d'enlever le bras, sinon à soigner la plaie.