Le premier ministre espagnol, fort déjà d'un engagement du mouvement séparatiste basque ETA à observer un « cessez le feu permanent », ne fait preuve d'aucun optimisme. C'est tout juste s'il a lâché mercredi dernier un mot à l'annonce de la décision de l'ETA. Un « wait and see » et rien d'autre. Une position que partagent l'essentiel des Espagnols déjà marqués par deux expériences passées et qui ont échoué. Mais Zapatero, critiqué dès le départ pour son initiative de paix élevée au rang de priorité de son cabinet, sait parfaitement qu'il lui faut réunir un consensus national, et c'est à peine si l'opposition accepte de discuter - et rien d'autre pour le moment - de cette phase dans l'histoire du pays. C'est ainsi qu'il juge que la collaboration de la droite sera « un facteur-clé » pour faire disparaître la violence au Pays basque (nord), dans un entretien au quotidien El Pais (centre-gauche). « Il est évident que la collaboration ou la coopération des deux principaux partis est une des clés du succès pour parvenir à la fin de la violence », déclare M. Zapatero, au surlendemain de l'entrée en vigueur d'un « cessez-le-feu permanent d'ETA ». « Mon obligation est de compter du Mariano Rajoy », le président du Parti populaire (PP, droite) et chef de l'opposition espagnole, qu'il recevra demain pour tenter de rapprocher leurs vues sur le processus de paix qui s'amorce au Pays basque espagnol (Nord), ajoute le chef du gouvernement espagnol. Mariano Rajoy assure de son côté qu'il « veut être constructif pour aider le gouvernement à obtenir la fin de l'ETA », dans un autre entretien publié par le journal catalan La Vanguardia. « Je veux être constructif et je le serai pour aider le gouvernement à obtenir la fin de l'ETA », déclare M. Rajoy, qui rappelle toutefois son exigence qu'« aucun prix politique » ne soit payé en échange de l'abandon de la violence. « Il ne faut pas tomber dans le syndrome de Stockholm. La société n'a pas de dettes envers l'ETA, c'est l'ETA qui a une dette envers la société espagnole », ajoute le chef de l'opposition conservatrice. M. Zapatero tentera demain de convaincre M. Rajoy d'adhérer à sa « feuille de route » approuvée en mai 2005 par le Parlement espagnol et l'autorisant à ouvrir un « dialogue » avec l'ETA si l'organisation « montrait sa volonté » d'abandonner les armes. Le PP avait été la seule formation parlementaire à voter contre cette résolution, jugeant que l'organisation indépendantiste basque armée, devait être vaincue par les seuls moyens de l'Etat de droit. Dans cette affaire, la classe politique n'est pas seule. Les victimes espagnoles du terrorisme ont, en effet, lancé un appel à « l'unité » des partis politiques pour concrétiser les espoirs de paix suscités par le « cessez-le-feu permanent » de l'ETA. « Une politique de fin du terrorisme nécessitera l'accord de tous les partis politiques », ont souligné dans un communiqué conjoint huit des principaux collectifs de victimes du terrorisme, au lendemain de l'entrée en vigueur du cessez-le-feu. Cet accord est indispensable « pour faire face dans l'unité à la situation créée par l'annonce de l'ETA », ajoutent les représentants des familles et proches des plus de 800 personnes assassinées en 38 ans de campagne terroriste de l'ETA pour l'indépendance du Pays basque. Fait significatif, cet appel est signé par l'Association des victimes du terrorisme (AVT), vigoureusement mobilisée contre les velléités affichées de dialogue du gouvernement socialiste avec l'ETA au cours des deux années écoulées. Proche du Parti populaire, ce collectif, le plus ancien et influent du pays, avait mobilisé des dizaines de milliers de manifestants le 25 février à Madrid contre la politique antiterroriste de M. Zapatero. Son président, Francisco Jose Alcaraz, avait rejeté mercredi le cessez-le-feu de l'ETA, qualifié de « piège » et de « chantage ». Ce cessez-le feu « ne constitue par la fin du terrorisme. Il peut néanmoins être le point initial d'un processus » qui conduira à sa fin, admettent les victimes, initialement sceptiques. « Cela dépendra de l'habileté du gouvernement », ajoutent-ils, à l'orée d'une semaine délicate pour Jose Luis Rodriguez Zapatero. Le chef du gouvernement va s'atteler à bâtir un consensus politique dans la continuité de la « feuille de route » approuvée en mai 2005 par le Parlement espagnol, l'autorisant à ouvrir un « dialogue » avec l'ETA si l'organisation « montrait sa volonté » d'abandonner les armes. Il a annoncé vendredi espérer demander au Parlement « avant l'été » de valider le lancement des négociations, passé un délai de vérification de l'application effective du cessez-le-feu. L'enjeu vaut tous les sacrifices puisqu'il s'agit de mettre fin à une guerre coûteuse. Zapatero vient en quelque sorte de remporter une première manche en obtenant l'adhésion - même incomplète - de la classe politique et de la société civile. Ce qui n'est pas peu.