Ce festival international ne se contente pas de devenir une vitrine de premier plan. Il contribue aussi à la dynamisation du cinéma arabe. De notre envoyé Le poids des ans apparaît clairement sur le visage de Richard Gere. Ce soir, à l'Emirates Palace, véritable palais-hôtel implanté au bord du Golfe arabe, au nord d'Abu Dhabi, l'acteur américain est la star de l'ouverture du 6e Festival international du film d'Abu Dhabi. Richard Gere est là, accompagné de la comédienne Nate Parker, pour la présentation du nouveau film du jeune Nicholas Jarecki, Arbitrage, dans lequel il interprète le rôle de Robert Miller, un financier bien coté à Wall Street. La belle situation de ce riche spéculateur de la bourse de New York n'est que façade puisqu'il croule sous une montagne de dettes. Le traumatisme des subprimes est passé par là. Nicholas Jarecki, qui a coproduit le documentaire Tyson primé au Festival de Cannes en 2008, s'inspire de la sociologie de la crise financière pour bâtir une histoire contemporaine. Le cinéaste semble marcher sur les traces de Sidney Lumet. Dans Arbitrage, coproduit par le Saoudien Mohammed Al Turki, Richard Gere joue avec Susan Sarandon et Tim Roth. La fiction, déjà sortie dans les salles aux Emirats arabes unis, a été choisie pour l'opening night, soirée d'ouverture, pour donner une dimension internationale à un Festival qui commence à bien s'installer. Le comédien de théâtre et de cinéma, Ali Ali Jabri, 38 ans, nouvellement nommé à la direction du Festival, ne cache pas son ambition d'en faire un événement culturel mondial. «Le festival est en grande forme», affirme-t-il. Cette année, 48 pays sont présents avec 165 productions dont 81 longs métrages. Huit films ont été projetés en avant-première mondiale, dont deux algériens Parfums d'Alger de Rachid Benhadj, et Harragas blues de Moussa Haddad, inscrits en compétition officielle longs métrages (lire nos articles dans El Watan et El Watan Week-end). Une première ! L'Algérie, qui célèbre le cinquantième anniversaire de l'indépendance, est à l'honneur avec un programme spécial. «C'est une manière de rendre hommage à l'évolution remarquable du cinéma algérien durant les deux décades après l'indépendance du pays. Et de ce qui a été fait après», souligne l'Irakien Intishal Al Timimi, responsable de la programmation arabe au festival. Il rappelle que Chronique des années de braise deMohamed Lakhdar Hamina est le seul film arabe à avoir décroché la Palme d'or au Festival international de Cannes (1975). Cette fiction était à l'affiche dans le Cycle Algérie avec L'Opium et le bâton d'Ahmed Rachedi, Les Vacances de l'inspecteur Tahar de Moussa Haddad, Z de Costa Gavras, La Bataille d'Alger de Gillo Pontecorvo et Bab El Oued city de Merzak Allouache. «C'est la première fois que l'Algérie est présente avec autant de films», remarque encore Intishal Al Timimi. Cette présence est le fruit du travail de promotion de l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC) au niveau international. Une action qui vient combler un immense vide qui avait éloigné le 7e art algérien des grands écrans du monde. Même si le cinéma algérien peine encore à retrouver son chemin, ses couleurs et ses lumières, perdus au milieu du brouillard de la violence, de l'indifférence de l'Etat, du dédain de la société et de l'inculture entretenue à plusieurs niveaux, des films se font malgré tout. Cependant, il ne suffit pas de réaliser de bons films, d'avoir de bons scénaristes, directeurs photo ou comédiens. Accompagner un film, lui faire la promotion et entrer dans le circuit du lobbying (notamment autour des festivals internationaux) est tout aussi important, voire déterminant. Stratégiquement, l'Algérie a besoin de concevoir une véritable diplomatie culturelle qui requiert talent, connaissance et networking. Déjà, l'AARC a fait l'effort de traduire ses documents en anglais. C'est un pas. La langue internationale est l'anglais, pas le français. A ce niveau-là, il y a des réflexes à abandonner. Définitivement.