Mettre fin aux découpages fonciers arbitraires au profit d'un projet et d'une vision globale sur le territoire, repenser les politiques qui consistent à créer des villes nouvelles en les greffant aux villes anciennes sans aucun lien organique et fonctionnel, bannir les micro-actions, autrement le développement local demeurera un concept vide, un slogan... Car, c'est malheureusement ainsi qu'il a été réduit en Algérie, regrettent nombre d'urbanistes interrogés. Ces acteurs qui, ailleurs, ont leur mot à dire avant la mise au point et en œuvre de toute stratégie de développement local, estiment que «le développement local est la contribution qu'un petit territoire apporte au mouvement général du développement en termes de plus-value économique, sociale, culturelle et spatiale». A leurs yeux, la planification est un autre concept à reconsidérer d'autant qu'entre les enjeux nationaux et les réalités locales, il est seul à même d'appuyer les leviers locaux du développement. Et pour cause, renchérissent-ils, vers le haut, la collectivité locale est le niveau de référence des politiques nationales. Vers le bas, elle peut constituer le niveau de cohésion des projets urbains et permettre d'articuler et de donner un sens commun aux initiatives multiples. Libérées, considère à ce propos le docteur Abderrahim Hafiane, architecte-urbaniste de renom — plusieurs grands projets ici et à l'international à son actif —, ces initiatives pourraient être d'un apport certain dans le développement local. Ce dernier, doit, selon lui, être perçu comme étant «une démarche volontaire d'acteurs se réunissant pour envisager l'avenir de leur territoire. Des acteurs dont les initiatives doivent être axées et orientées vers l'amélioration des conditions de vie de leur territoire, ce qui passe, notamment, par le développement et l'emploi, cela en perspective avec d'autres niveaux d'administration et d'autres échelons politiques, soit une vision du local dans le global». Pour lui, les grands bouleversements ayant marqué la ville espagnole de Bilbao qu'il compare à Annaba de par les caractéristiques quasi semblables qu'elles partagent, est l'un des meilleurs exemples à même de montrer comment les initiatives impulsées par les collectivités locales en termes de projets urbains pouvaient ébranler la donne économique et sociale d'une municipalité, d'une ville, de tout un pays. «Annaba a les mêmes caractéristiques que la ville de Bilbao. Cette dernière était une ville industrielle prospère qui, avec la fermeture des usines au fil des années, s'était transformée en ville économiquement morte, où le taux de chômage dépassait les 40%. Les responsables de la ville ont eu la pertinente idée d'y construire un musée. Pour ce faire, ils ont fait appel au célèbre architecte Frank Genhry. Ce dernier a conçu une architecture d'une originalité inédite qui a totalement bouleversé le paysage architectural de la ville. Depuis, cet ouvrage attise la curiosité de millions de visiteurs du monde entier. Aujourd'hui, Bilbao qui était une ville de transit, est devenue célèbre par son musée de Guggenheim qui lui permet d'engranger des centaines de millions de dollars/an de par le nombre impressionnant de touristes qui s'y rendent tout au long de l'année». Une réglementation technique des plus rigides ! A la possibilité de concevoir un projet d'une telle portée pour la ville d'Annaba, Dr Hafiane rétorquera : «L'Algérie est l'un des rares pays où la réglementation technique en matière d'urbanisme est excessivement rigide. Les règles techniques de construction sont trop strictes. Elles freinent l'imagination, la créativité et limitent l'innovation en matière architecturale. Nous, en tant qu'architectes-urbanistes, nous sommes tenus de nous conformer aux normes de construction localement requises. Si vous présentez un plan ou une maquette originale, ils sont systématiquement rejetés par le CTC ou les services d'urbanisme et de la construction. Nous n'avons pas les coudées franches. Or, ailleurs, les équipements publics sont ouverts à toutes les initiatives en matière d'urbanisme-architecture, et ce, bien qu'il soit universellement établi que le rôle de l'urbaniste consiste à anticiper les besoins des populations afin de proposer un développement urbain efficace sur le plan socio-économique et durable sur le plan environnemental. En termes plus clairs, notre travail vise à mettre en forme le projet territorial des collectivités locales. En Algérie, on ne l'a malheureusement toujours pas bien compris.» Laâla Boulbir, un autre architecte-urbaniste, abondera dans le même sens, estimant, dans l'entretien qui suit, que les pouvoirs publics doivent stimuler les collectivités, leur donner envie d'innover et d'expérimenter, seul moyen d'avancer vers de véritables pratiques de développement local durable. Ces collectivités locales doivent, à leur tour, faciliter et libérer toutes initiatives porteuses de véritables stratégies de développement.