Les ministres nommés ont pris leurs fonctions    L'Algérie met l'accent sur l'innovation et le soutien aux jeunes entrepreneurs    Le potentiel, considérable, de la croissance des exportations hors hydrocarbures mis en avant    Plus de 300 milliards de cts de factures impayées détenues par ses abonnés    Bendjama convoque le Conseil de sécurité aux actes au Moyen-Orient    Cette putréfaction qui tue et brûle la jeunesse palestinienne    La méthode Michel Barnier    USM Alger-ORAPA United : Le Gambien Lamin N Jammeh au sifflet    Les 21 qualifiés pour la phase finale pratiquement connus    CAN-2025 U20 (Zone Unaf) : L'Algérie et l'Egypte se neutralisent    Ouverture du 8e Salon international de la récupération et de la valorisation des déchets    Mise en service d'une unité de dépistage médical scolaire et de suivi des élèves    Saisie de 3,5 g de cocaïne, deux arrestations à Djdiouia    L'irrésistible tentation de la «carotte-hameçon» fixée au bout de la longue perche de la francophonie    Appel à porter plus d'intérêt au contenu des journaux publiés durant la période coloniale    Quand le hijab rencontre le kimono vintage    Semaine européenne de l'hydrogène à Bruxelles: Sonatrach examine les opportunités de coopération algéro-allemande    Attaf reçoit la Directrice générale du secrétariat continental du MAEP    Lotfi Boudjemaa prend ses fonctions à la tête du ministère de la Justice    Mohamed Boukhari prend ses fonctions de ministre du Commerce extérieur et de la Promotion des exportations    Krikou prend ses fonctions de ministre des Relations avec le Parlement    Guelma et Souk Ahras commémorent le 70ème anniversaire de la mort du chahid Badji Mokhtar    Touggourt commémore le 67è anniversaire de la mort en martyrs de Mohamed Amrane Boulifa et Lazhari Tounsi    Yacine El-Mahdi Oualid prend ses fonctions de ministre de la Formation et de l'Enseignement professionnels    Le 8e Festival international de l'art contemporain du 26 novembre au 7 décembre à Alger    MSF "extrêmement préoccupée" par l'impact de l'agression sioniste contre la population libanaise    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'alourdit à 43.972 martyrs et 104.008 blessés    Youcef Cherfa prend ses fonctions de ministre de l'Agriculture, du Développement rural et de la Pêche    Pas moins de 93% des pêcheurs affiliés à la sécurité sociale    Olympiades arabes de mathématiques: l'Algérie décroche la 2e place    Cybercriminalité: signature d'un accord de coopération entre AFRIPOL et Kaspersky    «Dynamiser les investissements pour un développement global»    Le point de départ d'une nouvelle étape    Foot/ CAN-2025 (Qualifications/ Gr.E - 6e et dernière journée) : l'Algérie domine le Libéria (5-1)    Judo: le Collège Technique national les 22-23 novembre à Oran    CAN-2025 Algérie-Libéria : les "Verts" décidés à conclure en beauté    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Colette, la vie romancée et le roman vécu
Tant que la vigne pousse
Publié dans El Watan le 30 - 03 - 2006

Colette a chanté tout un printemps de sa vie. Elle était jeune, elle avait épousé le fringant Henri Gauthier-Villars qui préférait entre tous ses pseudonymes, celui de Willy. Plus âgé qu'elle de quatorze ans, l'homme était cultivé et bon musicien.
Il sut rapidement jouer sur la corde sensible pour faire éclore chez sa jeune femme une plume en devenir de fleur. Colette avait trouvé son sombre Pygmalion et le couple paraissait heureux, elle écrivant, lui signant. La première série des Claudine parut entre 1900 et 1903 et connut un franc succès. Avec talent, Colette avait su romancer ses souvenirs d'enfance. Sans scrupules, son mari les signa de son pseudonyme Willy. Il n'en avait pas écrit une seule ligne. Sous influence amoureuse, Colette poussa sa romance des Claudine durant tout un printemps. Elle avait vingt ans. Bientôt elle aspira à briser l'entrave. En 1904, elle publia sous son nom Dialogue de bêtes, comme pour dire qu'entre humains, il n'y avait plus rien à se dire. Deux ans plus tard, ce fut le divorce. Colette n'avait plus rien à faire signer à Willy que l'acte de leur séparation, de son vrai nom cette fois-là : Henri Gauthier-Villars. Colette chanta tout un printemps, de plus belle, faussement. Libre, elle monta sur les planches, joua la pantomime, mena de music-hall en music-hall la vie hasardeuse et fatigante des comédiens en voyage. Willy s'était-il trompé ? La vagabonde se dispersait et elle le sentait. Elle avait besoin de chanter plus juste. Parfaire l'œuvre et se libérer du doute. Colette attendait la plainte qui lui révélerait sa voix. Un jour de printemps, elle entendit la voix d'un rossignol. Publié en 1908, Les Vrilles de la vigne débute comme l'une de ces fables qui choisissent de mettre en texte des animaux pour brouiller un jeu trop humain. Mais à ce rendez-vous fabuleux, Colette a su se rendre comme à la naissance d'un jour nouveau. Elle était poète bien avant cette date, au point que Willy déjà, du temps de leur mariage, avait pu se demander s'il n'avait pas épousé « la dernière des lyriques ». Willy avait vu juste. Il ne s'était trompé que sur le statut de la femme mariée. Le divorce et la parenthèse bohémienne soldèrent chez Colette les vaines angoisses et forgèrent un génie. Dans Les Vrilles de la vigne, les variations musicales atteignent leur acmé pathétique au bout d'une nuit de veille, à la pointe d'un nouveau jour sans homme sombre, en compagnie d'un rossignol, un véritable maître chanteur qui ne signera pas l'œuvre. Or donc, un rossignol chantait toute la journée. Couché à sept heures, sept heures et demie, il faisait un somme jusqu'au lendemain. Une nuit de printemps, « le rossignol dormait debout sur un jeune sarment, le jabot en boule et la tête inclinée, comme avec un gracieux torticolis. » Le bel oiseau dormait et ne sentait pas pousser les cornes de la vigne, « ces vrilles cassantes et tenaces » qui poussèrent dru cette nuit-là et qui l'enserrèrent et le ligotèrent. Ailes impuissantes, pattes empêtrées de liens fourchus, le rossignol crut mourir. Il se débattit et se libéra de l'entrave acide et fraîche et jura de ne plus dormir la nuit. Alors, toutes les nuits de printemps, le rossignol chanta pour se tenir éveillé, se rappelant que la vigne pousse, pousse, pousse... Colette ne dort pas. Chaque nuit, elle voit le rossignol chanter sous la lune, mais lui ne la voit pas. Il est trop occupé à varier ses thèmes et enguirlander ses vocalises. Il fait tout bien, tout pour que le désir insupportable de le voir chanter ne la quitte pas. Toutes les nuits, Colette entend ce fou chantant, qui chante pour chanter de si belles choses qu'il ne sait plus ce qu'elles veulent dire. Mais elle, elle a de la mémoire. Elle entend encore, à travers le chant léger et cristallin, le son grave du premier chant naïf et effrayé du rossignol pris aux vrilles de la vigne. « Tant que la vigne pousse, pousse, pousse... Je ne dormirai plus ! Tant que la vigne pousse, pousse, pousse... » Colette a fini par entendre le chant de ses vingt ans pris dans les liens tenaces, cassants, d'un printemps heureux et sans défiance. En ce temps-là, elle dormait d'un somme innocent et tranquille. Et puis, un jour, une nuit, le jeune auteur d'une Claudine effrayée a senti des fils tors qui déjà tenaient à sa chair. Colette a sursauté et elle a fui. Pendant un temps, quand la nuit venait, elle chassait la torpeur de ses paupières, craignant de nouvelles vrilles de la vigne, jetant tout haut une plainte qu'elle écoute à jamais. La plainte de sa voix d'or. Depuis, elle reste éveillée la nuit, se défendant toute seule contre « le printemps menteur où fleurit la vigne crochue ». Toute seule, Colette reste éveillée. Elle ne connaît plus le somme heureux, mais elle ne craint plus les vrilles de la vigne. Le bonheur ? La femme rossignol a toujours dit qu'elle ne comprenait pas ce mot.

Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.