Résumé de la 2e partie n Belle-Heureuse, mariée à Bel-Heureux depuis bientôt cinq ans, est plus belle que jamais. Elle excelle également dans l?apprentissage des lettres et du chant. «Il pleut des fleurs et des oiseaux, adolescente ! Allons avec le vent vers la chaude Bagdad aux dômes roses ! ? Non, mon émir ! Restons encore dans le jardin sous le flamboiement des palmes d'or et, les mains à la nuque, ô délice ! rêvons... ? Viens, adolescente ! Il pleut des diamants sur les feuilles bleues et la courbe des rameaux est belle sur l'azur. Lève-toi, ô légère, et secoue les gouttes furtives qui pleurent dans tes cheveux ! ? Non, mon émir ! Assieds-toi là, et pose ta tête sur mes genoux. Dans mes robes... puis entends la douce brise qui chante ya leil !» D'autres fois, les deux adolescents modulaient des vers comme ceux-ci, en s'accompagnant sur le daff seulement : «Je suis heureuse et légère comme une danseuse légère ! Ralentissez vos trilles, ô lèvres sur les flûtes ; guitares sous les doigts, arrêtez-vous, pour écouter la chanson des palmiers. ? Debout sont les palmiers, comme des jeunes filles ; en sourdine ils murmurent dans la nuit claire ; et le remous de leurs chevelures mélodieuses répond à la brise musicienne. ? Ah ! je suis heureuse et légère comme une danseuse légère ! Epouse de pure création, ô parfumée ! Aux notes de ta voix les pierres s'élèvent en dansant et viennent, en ordre, bâtir un édifice harmonieux. ? Que Celui qui créa la beauté de l'amour nous accorde le bonheur, épouse de pure création, ô parfumée ! ? O ! Noir de mon ?il, pour toi je vais bleuir mes paupières avec la baguette de cristal et macérer mes mains dans la pâte du henné. ? Mes doigts te sembleront ainsi des fruits de jujubier, ou, si tu les aimes mieux, des dattes fines. ? Puis, sur l'encens délicat, je parfumerai mes seins, mon ventre et tout mon corps, afin que ma peau dans ta bouche fonde avec suavité, ô noir de mon ?il !» Et c'est ainsi que le fils de Printemps et la fille de Prospérité coulaient leurs soirs et leurs matins dans une vie abritée et délectable... A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète comme elle était, se tut. Mais lorsque fut la deux cent trente-neuvième nuit, elle dit : ... Dans une vie abritée et délectable. Mais hélas ! ce qui est tracé sur le front de l'homme par les doigts d'Allah, la main de l'homme ne saurait l'effacer ; et la créature aurait des ailes qu'elle ne saurait échapper à son destin. C'est pour cela que Bel-Heureux et Belle-Heureuse eurent à éprouver, pendant un certain temps, les vicissitudes du sort. Mais tout de même, la bénédiction native qu'ils avaient apportée avec eux sur la terre devait les sauvegarder du malheur sans secours. En effet, le gouverneur de la ville de Koufa, au nom du khalifat, avait entendu parler de la beauté de Belle-Heureuse, épouse du fils de Printemps le marchand. Et il se dit en son âme : «Il me faut absolument trouver le moyen d'enlever cette Belle-Heureuse dont on me vante les perfections et l'art dans le chant ! Ce sera un magnifique cadeau à faire à mon maître l'émir des Croyants, Abd El-Malek ben-Merouân !» Un jour donc le gouverneur de Koufa résolut de mettre son projet à exécution ; et, dans ce but, il fit mander près de lui une vieille femme fort rouée qui était chargée, en temps ordinaire, du recrutement et de l'instruction spéciale des jeunes esclaves. Et il lui dit : «Je te demande d'aller à la maison du marchand Printemps et de faire la connaissance de l'esclave de son fils, l'adolescente nommée Belle-Heureuse, que l'on dit si versée dans l'art du chant et si belle ! Et il faut, d'une façon ou d'une autre, que tu me l'amènes ici, car je veux l'envoyer en cadeau au khalifat Abd El-Malek.» Et la vieille répondit : «J'écoute et j'obéis !» et s'en alla aussitôt se préparer dans ce but. (à suivre...)