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La rue jordanienne réclame sa part du pouvoir : ébranlée, la monarchie joue sa survie
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Publié dans El Watan le 15 - 12 - 2012

Secoué par des manifestations réclamant des réformes politiques, le royaume de Jordanie peine à calmer ses sujets. Les législatives du 23 janvier prochain seront un passage en force aux yeux de l'opposition qui a décidé de les boycotter.
Jordanie
De notre envoyé spécial
«Abdallah, soit tu réformes, soit tu pars ! » Quand, le 13 novembre dernier, les Jordaniens ont entendu ce slogan rageusement scandé par une partie de la foule qui a déferlé sur les rues d'Amman, ils ont compris que ces manifestations récurrentes ont quelque chose de sérieux. Que le royaume, jadis paisible de Sa Majesté le roi Abdallah II, commence à chanceler. Certes, tout n'est pas perdu pour le jeune monarque hachémite. Mais la fissure entre lui et ses sujets s'élargit au fil des jours pour prendre l'allure d'un fossé. Pour de nombreux spécialistes, le royaume de Jordanie est arrivé à une étape cruciale qu'il doit bien négocier, au risque de subir la bourrasque du printemps à partir de cet hiver…
Pour Mohamed Abou Ramman, docteur en sciences politiques et chercheur à l'université de Jordanie, «il y a l'avant et l'après-13 novembre», en référence à l'immense démonstration de force, ce jour-là du Front national des réformes (FNR).
Cette structure nationale, qui englobe un conglomérat de partis de gauche du puissant Front de l'action islamique (FAI) de Cheikh Hamza Mansour, des syndicats et des associations, a dû donner à réfléchir au roi Abdallah, à sa cour et à ses courtisans qui se recrutent parmi les hauts fonctionnaires et les gradés de l'armée, de la police et de la gendarmerie.
Si les chefs des partis ayant préparé et participé à cette grande marche se lavent les mains des slogans ciblant, fait inédit, le monarque, ils ne boudent pas ce plaisir. C'est comme si un totem venait de tomber…
«Je crois que c'est le retard accusé dans les réformes qui a poussé certains à avoir cette réaction hostile au roi, dès lors qu'il est le principal décideur. Nous ne partageons évidemment pas cette façon de faire de Sa Majesté, mais nous comprenons ses motivations», glisse Cheikh Hamza Mansour, qui nous reçoit dans son bureau, au siège du Front de l'action islamique.
Jusque-là, le personnage du roi était quasiment intouchable, tout auréolé de son autorité presque spirituelle. Mais ce 13 novembre, l'écume de la rue jordanienne s'est déversée, y compris sur le palais royal qu'elle a inondé de quolibets. Le Printemps arabe, qui passe furtivement ici depuis janvier 2010, a, cette fois, décidé de durer un peu. Longtemps peut-être…
La peur a soudainement changé de camp. Les augmentations des prix du gaz domestique de 53% et de l'essence de 12% ont servi de carburant à une révolte populaire qui n'en finit pas de jeter des étincelles. Au moins une personne a été tuée, 71 autres blessées et plus d'une centaine arrêtées durant les violents affrontements jamais vus à Amman depuis 1989. L'ex-Premier ministre, Fayez Tarawneh, a pourtant démissionné le 11 octobre dernier, avant cette manifestation, mais cela n'a pas pour autant calmé ni rassuré les foules. Son successeur, Abdallah Ensour, a accentué la pression en défendant les hausses des prix du gaz et du carburant, au prétexte qu'elles devaient permettre au gouvernement «d'économiser 30 millions de dinars (environ 42 millions de dollars) d'ici la fin de l'année».
Mardi 13…
Entre-temps, le souverain hachémite a cru pouvoir désamorcer la bombe sociale et désormais politique, en décidant de dissoudre, une semaine auparavant (4 octobre), le Parlement et de convoquer des élections législatives anticipées pour le 23 janvier prochain.
Il charge son nouveau Premier ministre, Abdellah Ensour, de préparer les prochaines élections, de sorte qu'il n'y ait pas de contestations.Mais la rue ne l'entend pas de cette oreille. Les revendications de l'opposition et de la société civile gagnent en consistance et en intensité. D'aucuns pensent que les augmentations des prix du gaz et du carburant décidées par le gouvernement sont destinées à «couvrir» la corruption et le détournement des deniers publics par les fonctionnaires de l'Etat qui mènent une vie aristocratique au détriment du peuple qui broie du noir.
Dans toutes les manifestations et dans les quatre coins de la Jordanie, les mêmes slogans reviennent comme des refrains : «La réforme politique est la voie pour éradiquer la corruption», «Non à la protection de la corruption et des corrompus», «La corruption est la cause de la pauvreté et du chômage», ou encore, «Le peuple veut la réforme et le changement», et «Non à la protection de la corruption du gouvernement».
Les manifestants en veulent d'autant plus que le gouvernement a concocté un projet de loi criminalisant les «allégations de corruption». Un projet qui a été perçu par les manifestants comme une «protection légale des corrompus». Le roi Abdallah a dû demander il y a quelques jours la révision de cette loi face au déchaînement sans précédent de la rue.
Les Jordaniens constatent aussi que la commission royale des réformes constitutionnelles installée en 2011 a accouché de simples réformettes qui ne touchent pas les fondamentaux de l'architecture institutionnelle du pays.
Si la Jordanie est une monarchie parlementaire selon la Constitution, dans la pratique, le monarque garde la main sur tous les leviers de commande. Les recommandations de cette commission constituent certes une avancée, mais pas au point de démocratiser un royaume à la traîne en termes de participation citoyenne à la vie politique. Le souverain Abdallah II s'est tout de même fait fort d'annoncer la semaine dernière les conclusions de «sa» commission prévoyant notamment la création d'une Cour constitutionnelle, d'une commission indépendante pour surveiller les élections et l'abaissement de l'âge minimum pour être élu au Parlement à 25 ans contre 35 actuellement.
La commission a également recommandé que le tribunal militaire de la sûreté de l'Etat, le fantôme de l'opposition, ne pourra plus juger que les cas de haute trahison, d'espionnage, de terrorisme ou de trafic de drogue. Ceci dans les textes.
Réformes cosmétiques pour lifter une monarchie ridée
Sur le terrain, plusieurs activistes arrêtés lors des récentes manifestations furent traduits devant cette juridiction d'exception pour répondre à de graves chefs d'inculpation, comme celui de «troubles à l'ordre public», «incitation à la subversion du système gouvernement», «participation à des rassemblements illégaux», et «destruction de biens publics».
Et selon l'organisation de défense des droits de l'homme, Human Rights Watch (HWR), au moins 107 personnes, dont neuf enfants, ont été déférés devant ces tribunaux. «Au lieu de respecter le droit à manifester pacifiquement, les autorités jordaniennes ont recours à un tribunal qui reste avant tout militaire pour punir des civils, en particulier des manifestants pacifiques», commente Joe Stork, vice-directeur de HRW pour le Moyen-Orient. Une raison supplémentaire pour l'opposition politique et la société civile de ne pas prendre pour argent comptant les promesses de réformes politiques promises et maintenant brandies par le gouvernement.
Les dernières manifestations et autres marches populaires organisées sous l'égide du Front national des réformes (FNR) ont d'ailleurs largement servi de tribune pour brocarder ces tribunaux militaires qui jugent de simples citoyens réclamant leurs droits politiques et sociaux. «A bas le pouvoir militaire !», «Non au tribunal de la sûreté de l'Etat !», «Le tribunal militaire pour les corrompus et les voleurs de phosphate, pas pour les jeunes manifestants !», criaient, à tue- tête, vendredi dernier, les manifestants islamistes dans le quartier Marka à l'est de Amman, où est situé le siège de cette juridiction.
Des sujets du roi devenus des objets
Des portraits d'activistes détenus sont agités par une foule en délire, visiblement prête à en découdre, pour obtenir leur libération. Les autorités viennent de libérer 53 d'entre eux, mais des dizaines d'autres sont encore entre les mains des tribunaux militaires ou parqués dans des sous-sols comme il a été crié par la foule.
Quasiment chaque jour, une manifestation plus au moins importante est organisée dans une ville ou douar du royaume. Les vendredis sont systématiquement dédiés aux marches qui suivent la prière, sous l'étendard des islamistes des «Frères musulmans», la principale force politique en Jordanie. Le souverain ne pouvait donc détourner son attention face à ce bouillonnement populaire qui disqualifie déjà les élections du «salut» national.
Il abat alors ses dernières cartes dans l'espoir de ramener ses sujets (qui se sentent de simples objets dans son royaume) dans son «droit» chemin. Il installe une commission royale (au propre et au figuré) indépendante chargée de surveiller les élections et annonce la création de la Cour constitutionnelle. Celle-ci offre, d'après lui, «une garantie importante pour la séparation des pouvoirs et pour le respect des droits et des libertés des citoyens». Mais, détail de taille, le monarque s'est réservé le droit de nommer ses neuf membres…
Pas tout à fait suffisant pour populariser un scrutin qui s'annonce mal pour les Jordaniens qui ont d'autres soucis à régler (comme les factures du gaz et du carburant) que d'aller glisser le bulletin dans l'urne qui leur serait forcément fatal. La partie est donc loin d'être gagnée pour le souverain hachémite qui ambitionne d'installer dès janvier son royaume dans «l'été de Jordanie» en lui faisant enjamber le printemps si redouté. Le 3 décembre, il réunit le Conseil des ministres et prend une série d'autres mesures sociales qui répondent explicitement aux mots d'ordre poussés par les foules dans les manifestations.
A commencer par le contrôle des prix vertigineux pour lequel il a instruit le Premier ministre de s'y atteler sans tarder.
Le roi Abdallah II a aussi annoncé la mise en place d'une commission de désignation des hauts responsables «pour éviter le népotisme et le clientélisme», le choix des compétences. Le souverain a également enjoint à son Premier ministre, Abdellah Ensour, de trouver des mécanismes d'aide gouvernementale pour assurer la justice sociale et absorber la colère populaire.
C'est bien, mais pas assez pour convaincre le Front national des réformes pour qui seul un dialogue national inclusif devant aboutir à une feuille de route serait à même de rassurer les Jordaniens pour aller voter.
C'est pourquoi les islamistes et les partis de gauche réclament le report des élections de janvier et l'amorce d'une conférence d'entente nationale devant déboucher sur un gouvernement de transition consensuel qui aura pour mission d'organiser ce scrutin plus tard.
Mais la réaction du roi Abdallah ne s'est pas fait attendre. Non seulement il a décidé de maintenir les élections à leur date initiale (23 janvier prochain), mais il a aussi snobé les partis qui mobilisent la population depuis des mois.
Un cour de démocratie à la mer Morte…
«Le scrutin aura bien lieu le 23 janvier prochain malgré le chahut de certains par rapport à notre feuille de route, mais nous sommes sur la juste voie», a tranché le monarque lors du dernier Conseil des ministres. Et pour sonner la mobilisation, il fait organiser par son Premier ministre un colloque à l'intitulé racoleur : «Les gouvernements parlementaires» dans un hôtel en… mer Morte.
Comble de l'ironie, les recommandations de cette manifestation qui a rassemblé tout le landernau jordanien (ministres, opposants, journalistes acteurs associatifs, juristes) ont globalement disqualifié les élections du 23 janvier.
Le maître mot était de reporter le scrutin et d'engager un dialogue national pour un gouvernement de transition et d'appeler les moukhabarate à lever la main sur la vie politique. Il était alors évident que les conclusions de ce colloque royal devaient rester lettre morte…
Plus que jamais, le bras de fer est engagé entre le roi, qui fonce tête baissée vers ce scrutin «crucial», et la majorité de l'opposition, qui appelle au boycott d'une élection aux résultats «connus d'avance».
Les affiches appelant les gens à voter tapissent les panneaux publicitaires dans les rues, sur les façades des immeubles et même sur les ponts. «Ton avenir est entre tes mains», «Ne laisse personne décider à ta place !», sont autant de slogans suggestifs placardés dans tous les coins et recoins des villes et quartiers.
Même la majorité des Jordaniens n'ont visiblement pas le cœur au vote. «Moi je ne voterai pas. Pourquoi le ferai-je, alors que le gouvernement ne nous donne rien, et passe son temps à augmenter les prix», s'exclame Anès, chauffeur de taxi dans une société privée, qui habite dans un quartier pauvre de la banlieue de Amman.
«Les ministres et les militaires volent l'argent du pays et nous ils nous demandent de payer le gaz et le carburant plus cher pour récupérer cet argent… Je ne voterai pas jusqu'à ce que ces gens partent !», peste Mohamed, réceptionniste dans un hôtel.
Malik, qui gère une boutique d'habillement dans le quartier chic d'Essoufia, au centre de la capitale, craint même d'être contraint de baisser rideau à cause de l'augmentation du tarif de l'électricité annoncé pour début janvier. «Déjà que j'ai du mal à payer le loyer de 150 dinars (160 euros environ) et la facture d'électricité qui est actuellement insupportable (500 dinars, soit environs 520 euros), comment pourrai-je payer plus en janvier ?», s'inquiète-t-il.
C'est que la cherté de la vie est le pain quotidien de tous les Jordaniens. Ils sont à mille lieues des élections législatives que le gouvernement présente comme le remède à tous les maux. Seule la jet-set ammanaise et sa périphérie parmi les familles de fonctionnaires proches du roi affichent une désinvolture presque agressive pour le commun des Jordaniens d'en bas… Il y a donc de la tension dans l'air politiquement irrespirable de Amman, qui risque de connaître son paroxysme quand le gouvernement Ensour sera contraint, début janvier, d'imposer la mesure aussi impopulaire que la hausse des prix de l'eau et de l'électricité. Pour le chef islamiste, Cheikh Hamza Mansour, ce serait «irresponsable» de la part du gouvernement de procéder à ces nouvelles augmentations. A ses yeux et aux yeux des observateurs politiques locaux, cela risque de rallumer la mèche qui mettrait le feu au royaume. De quoi sera fait demain en Jordanie ? Grand point d'interrogation.


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