L'Union pour la démocratie et la République a été créée officiellement à l'issue des assises tenues les 11 et 12 février 2004 à Zéralda. Le parti, selon ses fondateurs, n'existe aujourd'hui que parce que les autres formations politiques ont échoué. Son état-major, dont le secrétaire général Amara Benyounès, est issu essentiellement du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD). Ce n'est pas une tare. Ce fut plutôt une bonne formation ! L'UDR est un parti difficile à définir, tant sur le plan politique que sur le plan organique. Son attitude, depuis sa création, n'a pas contribué à expliquer sa nature. Parti d'opposition ou parti du pouvoir ? La question est compliquée tant sa ligne de conduite paraîtrait ambiguë. Cependant, les deux définitions ne seyent guère à l'UDR en ce sens où ce parti se présente comme un « vrai contre-pouvoir ». Son principe semble être : ni opposition inféconde ni participationnisme dégradant. Cela expliquerait la devise du parti : « La politique autrement. » Pourtant, selon des observateurs, même s'il n'a pas cédé beaucoup dans les mots, il a, en revanche, beaucoup cédé dans les faits ! Qu'on en juge. Il n'est pas souvent d'accord avec la politique du gouvernement, mais il soutient « à fond » le président Bouteflika dont il « partage le projet ». Il se présente comme un parti social-démocrate et laïc tout en assumant publiquement une sympathie avec le même chef de l'Etat qui, il faut le dire, n'est ni laïc ni social-démocrate. Tout comme les trois partis de l'Alliance présidentielle, le portrait de Bouteflika trône à l'intérieur du siège national de l'UDR. Ses adversaires politiques lui ont « collé » le sobriquet peu valorisant de « comité de soutien du Président ». L'UDR récuse évidemment ce qualificatif tout en assumant le fait qu'il ait misé sur le candidat gagnant qu'est Abdelaziz Bouteflika. Les choix et les positions de l'UDR seraient, dans l'absolu, légitimes dès lors que la pratique professionnelle de la politique induit le double jeu. Il est même risqué parfois, estiment certains, de s'engager dans cette voie sans pratiquer l'art du double langage ! Avant lui, le MSP de Bouguerra Soltani a excellé dans cet exercice. Un difficile pari Le jeu en vaut bien la chandelle. Mais cette comparaison n'est qu'un exemple qui ne plaira pas, bien sûr, à l'UDR. D'ailleurs, la formation de Benyounès ne compte pas suivre le chemin des autres partis politiques qui ont signé un chèque à blanc aux hommes du pouvoir tout comme ceux qui ne se manifestent qu'une fois par année pour retourner ensuite dans leur couette ! « Depuis sa naissance, l'UDR a tenu un congrès national et quatre conseil nationaux en plus, bien sûr, d'une dizaine de meetings et de conférences de presse. Le parti est structuré, à l'heure actuelle, dans 48 wilayas et toutes ses instances sont démocratiquement élues. Nous veillons à ne plus reproduire les erreurs commises par les autres partis connus pour leur fonctionnement anti-démocratique », expliquent Mourad Belouichrani, secrétaire national chargé de l'organique et Moussa Belkacem, secrétaire national chargé de l'économie. Suivant ce raisonnement, l'UDR serait une véritable « pépinière » de la démocratie en Algérie. Le parti envisage de tirer toute sa vigueur de son unité organique et de la gestion démocratique de ses instances. Pour beaucoup, un tel défi paraîtrait difficile à relever tant les partis politiques algériens sont, pour la plupart, gérés d'une main de fer par leurs premiers chefs. Peut-être l'UDR sera-t-il l'exception qui ne confirmera pas la règle. Mais là encore, c'est peu probable. A en croire nos interlocuteurs, l'UDR a mis en place une base solide, coordonnée, disciplinée et efficace ! Mais sa direction ignore le nombre de militants inscrits dans le fichier organique. Objectif : bâtir un grand parti politique à même de prendre en charge le destin national. L'UDR, selon MM., Belouichrani et Belkacem, sera un large espace de débat. De haut niveau bien sûr ! Qui oserait en douter ? Pas de castagne et pas de querelles à ras de terre ! Ce ne serait pas convenable pour un parti de cette envergure ! Le parti de Benyounès ambitionne de mener les prochaines batailles électorales à la tête d'un front républicain élargi. Mais pour ce faire, il se doit d'abord de soigner les maux qui rongent les partis de la mouvance démocratique. Y arrivera-t-il ? Rien n'est moins sûr d'autant plus que l'UDR a commencé par le pire. C'est-à-dire, en lançant des banderilles assassines en direction des partis du même courant. Sachant que des expériences similaires ont échoué, de par le passé, quelle sera la recette magique qui permettrait à Benyounès et son staff d'aboutir à un « consensus démocratique » ? En termes plus clairs, avec qui compte-t-il agir ? Avec le RCD ? Impossible. Avec le FFS ? Pas sûr. Avec le MDS ? Le parti n'a plus de troupe, sinon très peu. L'ANR ? Il n'existe presque plus. Bien sûr que tous ces partis se connaissent tellement bien qu'ils se vouent une haine chronique. L'UDR, comme sa devise l'indique, conçoit une autre philosophie de l'exercice politique. Comment ? Il compte « fédérer l'espace oppositionnel du pays et établir de nouvelles règles démocratiques » pour le salut de toute la nation. Il compte s'élever lui-même pour élever l'Algérie avec lui ! A-t-il les moyens de sa politique ? Le parti va interpeller les consciences et convaincre les masses que sa démarche politique est la seule possible en Algérie ! Une belle formule au demeurant. Sauf que la réalité est beaucoup plus complexe. « L'UDR considère que la Déclaration du 1er Novembre 1954 constitue l'acte fondateur de l'Algérie libre, démocratique et moderne. L'UDR prône la liberté de conscience et de culte et s'inscrit dans la nécessité de séparer la religion de l'Etat. Il s'inscrit également dans la perspective de parachèvement de construction d'un Etat algérien démocratique et républicain et préconise le fédéralisme comme mode d'organisation territoriale du pays dès que les conditions sociales, économiques, politiques et sécuritaires le permettent », expliquent les membres de la direction nationale du parti. A bien lire ce projet, on risque de le confondre avec celui du RCD qui est, à tout point de vue, sa principale source d'inspiration. Ce n'est pas tout. L'UDR aspire « à la réconciliation des Algériens entre eux et avec leur histoire et leur identité, au rétablissement de l'ordre et de la sécurité, à la préservation de la famille comme cellule de base d'une société saine, à l'égalité des citoyens devant la loi, à la culture comme synthèse des capacités créatives de la société et de son identité, à une école moderne, à la justice sociale, au respect des liberté, à la séparation des pouvoirs... ». Plus subtil encore, l'UDR aspire... à la réunification de l'Afrique du Nord ! Il ne parle pas des Etats du Maghreb mais de toute l'Afrique du Nord. l'Egypte en fait logiquement partie. Le parti propose des solutions extrêmement attractives. Mais des solutions clés en main tout de même ! Autrement, un parti qui n'est pas encore agréé dans son pays, peut-il prétendre régler une question dans laquelle des Etats ont échoué ? Peut-être d'ici là les régimes de l'Afrique du Nord vont se rendre à la raison en se démocratisant. Erreurs d'appréciation ? Sur quelle base idéologique l'UDR a-t-il soutenu Abdelaziz Bouteflika ? « Nous l'avons soutenu, en 2004, parce que son projet de société se rapprochait du nôtre », estiment les deux membres de la direction nationale qui trouvent que le Président travaille beaucoup et avec courage. Mais quels sont les points (contenus dans le programme du Président) qui ont plu à l'UDR ? « Le rétablissement de l'ordre et de la sécurité, à travers la charte pour la paix et la réconciliation nationale, le programme de réformes, la liberté d'expression... », résument nos interlocuteurs. Peut-être dans le fond, conviendraient-ils avec nous que Bouteflika n'est pas un exemple en matière de liberté d'expression. Mais c'est un autre débat. Sur un autre volet, l'UDR trouve que « la charte pour la paix est une grande victoire pour l'Algérie ». Pourquoi ? « Parce que l'islamisme armé est défait et sa branche armée est vaincue ». Disons que l'UDR a bien vu concernant le premier cas, mais les erreurs d'appréciation, dans le second cas, pourraient lui jouer de mauvais tours. Que pense le Parti de Benyounès de la Kabylie ? « Nous avons un projet pour toute l'Algérie », rétorquent nos interlocuteurs. « Après des années d'une crise généralisée, elle a retrouvé son calme ». Dieu merci ! Et la dégradation du climat sécuritaire, la montée des petit et grand banditismes, la crise économique... ? La direction de l'UDR estime que « l'Etat a déployé des efforts pour surmonter la crise. Le dialogue archs-gouvernement doit se poursuivre. C'est le mouvement citoyen qui a mené le combat, c'est à ses délégués -à qui nous devons d'ailleurs rendre hommage- de continuer la bataille des négociations ». Que pense l'UDR de la déclaration prononcée à Constantine par le chef de l'Etat sur tamazigt ? Il y a, bien sûr, des sujet qui fâchent mais (dans l'ensemble) l'UDR pense définitivement que la revendication identitaire est légitime ! Il suffit d'attendre l'avènement du fédéralisme. C'est-à-dire, en attendant Godot ! Quelles sont les sources du financement de l'UDR ? Naturellement, le parti, comme il n'est pas agréé, ne fonctionne que grâce aux cotisations de ses militants. Son siège national est une location, dont les frais sont payés par un militant (c'est une vérité d'ailleurs). Comme le parti n'a pas de moyens pour signer un second contrat, il quittera dès lors les lieux incessamment. Le mobilier est un don d'un autre militant (ça pourrait être vrai aussi !). Le parti ne bénéficie pas, bien entendu, de la générosité des autorités. « Nous avons des dettes envers plusieurs établissements », révèlent les deux cadres de l'UDR. Le parti de Benyounès est financièrement pauvre. A lui de prouver qu'il ne l'est pas en politique.