L'année 2012 est déjà une année perdue. Inutile de se le cacher. Année pré-électorale dans laquelle les velléités de présidence à vie de Abdelaziz Bouteflika paralyseront toute initiative de réforme. Année déjà scellée par une loi de finances qui n'engage aucune des mesures qui préparent l'avenir : économies spectaculaires d'énergie pour retarder le choc de la déplétion des gisements algériens, mesures incitatives pour faire décoller la nouvelle économie liée au web et à l'arrivée de la 3G, ou encore suppression de la TAP pour libérer la croissance des PME. Rien. Un rapport de prospective préparé durant toute l'année 2012, celui du réseau Nabni, nous décrit 2020 dans sa prochaine publication. L'Algérie va droit sur l'Iceberg. Tout le monde le pressent. A la nuance du point d'impact près. Encore lointain selon les gouvernants, au tournant des sept-huit ans qui arrivent, selon une majorité d'analystes. En 2020, l'effet de ciseau sera consommé. Point de croisement de deux courbes en marche depuis quatre ans. Baisse - tendancielle par les volumes - des revenus d'exportation énergétiques, hausse structurelle de la facture d'importation. Les réserves de change accumulées sonneront alors comme la musique de l'orchestre dans le grand salon du Titanic. Elles donneront un fond sonore surréaliste à l'ouverture des voies d'eau. Impact imparable ? La prospective Nabni dit que chaque semestre de perdu le rend probable. Et beaucoup de temps s'est perdu depuis la grave erreur d'interprétation de 2009. A la crise financière déferlante, le gouvernement algérien a répondu en provincial. Par des mesures prudentielles de pacotille : renforcement des fonds propres des banques privées, mesures bureaucratiques pour réduire les importations, retour au refinancement par le Trésor public de tout ce qui n'est pas compétitif. La crise disait pourtant tout autre chose. Les marchés traditionnels de débouchés de l'offre énergétique algérienne sont entrés en mutation accélérée. Stagnation de la demande, transition énergétique, émergence d'offres concurrentielles. Il fallait décréter la course à la diversification des exportations algériennes en 2009 et non se replier sur soi pour protéger l'illusion d'une position avantageuse. Chaque année qui passe est, depuis, une année de perdue, et 2013 est partie pour en être une de plus. En dépit de la bonne volonté d'un nouveau premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui affirme partout avoir bien compris que cela ne peut continuer en l'état. L'année 2013 pourrait ressembler symboliquement à l'année 1983. La dernière année où il était encore temps de ne pas se laisser endormir par la conjoncture pétrolière haute ouverte en 1979. Deux et trois ans plus tard, c'était sous la contrainte d'un retournement de conjoncture que le gouvernement de Abdelhamid Brahimi a ouvert l'amont pétrolier à l'investissement étranger pour relancer une production stagnante, donné les terres publiques en concession pour sortir les rendements agricoles du sinistre, et sous la même contrainte que le président Chadli a lancé le chantier de réflexion sur les réformes de marché de l'économie. Trop tard. L'Algérie de 2013 est grosse d'un ajustement structurel en 2020. Avec, cette fois, l'absence de la perspective d'un rebond par les revenus du pétrole et du gaz, comme cela a été le cas après l'ajustement de 94-98. Mais elle a aussi le souvenir de son vécu national. Abdelaziz Bouteflika croit qu'il a mis l'Algérie a l'abri parce qu'il l'a désendettée vis-à-vis du reste du monde. Ceausescu a été chassé de la tête d'une Roumanie sans dette. De même qu'El Gueddafi. La crise algérienne de la fin des années Chadli Bendjedid n'était pas une crise de la dette, mais une crise des revenus d'exportation. Subitement insuffisants pour couvrir le service de la dette extérieure. Comme ils le seront à nouveau pour payer les importations de biens et de services à un seuil socialement supportable. D'où ajustement en gestation. Avec un budget de fonctionnement non couvert par la fiscalité ordinaire, l'Algérie est entrée en 2011 en territoire grec. Sous le déguisement d'un pays riche. Et continuera de s'y enfoncer en 2013. Pour qu'enfin une main bienveillante se pose sur le gouvernail, il faudrait que tombe la dictature politique du cours terme. Celui des mandats présidentiels et de la primauté qu'ils imposent à l'intérêt stratégique de millions d'Algériens. En 2014, il sera beaucoup plus difficile, pour une nouvelle équipe, de rattraper les années perdues. 2013 peut pourtant encore être une très grande année. Celle du réveil de l'aspiration algérienne au changement. Dans l'intervalle de temps, la muraille blanche et glacée se rapproche. Dans la clarté du jour.