Un procès à huis clos. L'ex-directeur de la chaîne TV4, déclinaison amazighe de la l'ENTV, Saïd Lamrani (76 ans) a été confronté une nouvelle fois, hier, à ses victimes lors d'un procès en appel qui s'est déroulé à huis clos, comme il l'avait souhaité. Poursuivi pour harcèlement par trois journalistes de la chaîne de télévision, Saïd Lamrani n'a pas pu supporter une audience en public. Une situation qui a davantage arrangé les plaignantes car elles se sont exprimées «en toute liberté». Les langues se sont déliées. Les victimes et les témoins à charge ont raconté, avec force détails, les agissements et les «chantages» que le directeur exerçait sur les journalistes. «Nous avons pris le temps nécessaire pour narrer les agissements du directeur. Les victimes ont pu raconter avec force détails les comportements auxquels se livrait l'ex-directeur. Tous les présents étaient abasourdis», raconte un témoin. Les victimes ont asséné «des vérités cruelles qui n'ont pas laissé sans réaction la cour» et «les larmes aux yeux, elles ont tout déballé de ce qu'elles ont enduré», ajoute encore notre interlocuteur. Le mis en cause accuse le coup se contentant de dire au juge à chaque interpellation : «Je n'ai rien à dire.» Les sept avocats des plaignantes ont dénoncé le phénomène du harcèlement sexuel qui est loin d'être marginal, mais «prend des proportions alarmantes partout. Dans les administrations, entreprises, universités, le harcèlement – un tabou – se banalise et les victimes sont souvent poussées au silence». Les journalistes de l'Entreprise nationale de télévision ont pris leur courage à deux mains pour dénoncer le harcèlement dont elles étaient victimes au sein d'une institution sensible. L'ex-directeur se croyait tout permettre se voilant derrière une supposée «amitié» avec le cercle présidentiel. Mais c'était sans compter sur le courage des journalistes qui ont courageusement défié son pouvoir. Au terme du procès, le procureur de la République a exigé une «aggravation de la peine et l'application stricte de la loi». Le verdict sera rendu dimanche prochain. Le 14 octobre dernier, l'accusé avait été condamné par le tribunal d'Alger à 6 mois de prison avec sursis, assortie d'une amende de 500 000 DA, dont 300 000 DA de dommages et intérêts au profit des trois plaignantes. L'affaire, révélée par les journalistes de la chaîne de télévision, avait défrayé la chronique médiatique et judiciaire. Saïd Lamrani fut directeur de la radio Chaîne 2 pendant plusieurs années avant d'être nommé, en mars 2009, directeur de la chaîne TV4. Lorsque l'affaire éclate début 2001, il «narguait » les plaignantes. Ne pouvant plus supporter «les agissements» de leur patron, les journalistes ont décidé de porter l'affaire devant l'opinion. Soutenues par leur confrères et consœurs ainsi que le Syndicat national des journalistes, elles ont déposé une plainte en août de la même année. Une première.