En véritable phénomène urbanistique, l'habitat précaire s'impose par son essor fulgurant et compromet, de l'avis même des élus de l'assemblée communale, sérieusement les chances de développement de la ville. « C'est une véritable tumeur que nous avons là, nous n'avons même pas de terrains à réserver aux équipements publics, même les trottoirs sont occupés », constate M. Ziane, élu sur la liste FFS. « Cet endroit devrait accueillir un parking », nous désignant la place du marché de Aïn Naâdja, ou ce qui est présumé en être un. De hideux étals chargés de fruits et légumes et de produits ménagers s'emboîtent les uns dans les autres dans un cafouillage indescriptible. Le souk, emprunté au patrimoine de la laideur, déborde sur une centaine de mètres le long de l'avenue Saïd Dahleb pour aboutir jusqu'à la gare routière et se perd dans les émanations désagréables des décharges anarchiques. Face au marché, la partie visible du bidonville de Aïn Malha. En contrebas de la route menant vers Smar, fleurissent en sourdine et loin des regards, les galetas des damnés. Coincé dans un ravin et entre les tours du chantiers Aadl - près de 800 appartements et les 400 logements de la Cnep - restés inhabités depuis belle lurette, le bidonville de Aïn Malha est un des nombreux sites tristement connus comme ceux de Haï Remli, Oued Karma et Haouch Germain. Le décor s'offre une promiscuité de Casbah, bas de gamme et une misère défilant dans ses apparats de grands jours. Même l'oued de Aïn Malha n'est pas épargné par les nouveaux arrivants. Les nouveaux « bâtisseurs » que la « mafia du bidonville », ainsi que la surnomme un membre de l'Apc, encadre précautionneusement. Un « marché » est né et est dopé par la persistante crise de logement et par le laisser-faire. Devant l'ampleur grandissante de la spéculation qui s'y organise... sur le dos des sans-abri, les autorités restent très souvent absentes. Les taudis, nous apprendra l'élu, se négocieraient à hauteur de 200 à 300 000 da et de 6000 da pour la location. A l'origine de la situation, « c'est d'une décision politique forte dont on a besoin pour venir à bout de ces constructions », dira M. Sami, membre de l'assemblée. Selon lui, il est impossible de reloger ces gens. « On n'a pas les moyens, sinon qu'on nous donne un milliard de dollars et on construira pour tout le monde », ajoute l'élu. La solution, explique-t-il encore, ne peut venir que du gouvernement qui doit montrer une volonté ferme de résorber l'habitat précaire et de freiner la progression de celui qui « bloque » au niveau local les nombreux projets d'utilité publique. En matière justement d'investissement dans l'équipement d'utilité publique, la commune de Gué de Constantine, la plus grande commune d'Alger avec ses 14 km2 et environ 150 000 âmes (le dernier recensement général effectué en 1998 donnait 92 000 personnes le nombre de la population locale), est des plus lésées par rapport aux autres communes. Pas d'hôpital, ni de d'infrastructures sportives, ni de loisirs. Pas un cinéma, encore moins de centre culturel. Le seul qui existait, le centre El Hayat à Smar, est toujours squatté par des familles sinistrées. Un nouveau, nous annonce-t-on, est en chantier actuellement. A un an de la fin de son mandat, l'exécutif se réveille sur un programme d'équipement, histoire de rattraper peut-être le déficit chronique en infrastructures. Un mal qui affecte pratiquement tous les secteurs. Avec quelques centaines de milliards de plus que l'année dernière, le budget de la commune - 22 milliards de dinars - demeure insignifiant par rapport aux besoins de la population. Ainsi, est prévue également la réalisation d'une polyclinique, d'une école équipée de cantines, d'un stade et d'une piscine olympique etc. « Les crédits sont déjà débloqués », affirmera M. Sami, en marge de la réunion de l'assemblée consacrée avant-hier à l'étude de ces programmes. « Regardez, ils sont tous là, les membres de l'assemblée », nous lancera M. Touati, président de l'Apc pour dire tout le « consensus » qui régnerait au sein de la composante de l'Apc (Fln, Rnd, Ffs et Msp) à l'appel de « l'intérêt suprême » de la commune ! Autre complication citée par les responsables de la commune : l'inexistence de plan d'occupation du sol. Un instrument juridique des plus nécessaires pour remettre de la visibilité dans un paysage urbanistique à très forte problématique. « Lequel plan, d'après Ziane, permettra à la commune de prendre possession juridiquement de son territoire. » L'étude du POS a été pourtant lancée depuis plus de trois ans déjà, mais rien ne transparaît de la volonté de le mettre réellement sur pied. Une situation qui appelle des interrogations, surtout que le plan de développement de la ville est lié directement à son existence ? Qui a donc intérêt à ce qu'il ne voit jamais le jour ?