C'est au cours de cette nuit apocalyptique que l'égyptologue avait été retrouvé mort dans une misérable bicoque de la Basse Casbah d'Alger.» Cette phrase, pleine de suspense, ouvre le premier chapitre de L'impasse du Maltais. Auparavant, Djamel Eddine Merdaci avait présenté au lecteur «l'apocalypse» en décrivant dans le prologue le déluge qui avait failli emporter le quartier de Bab El Oued (Alger) en 2001. Au fur et à mesure que nous avançons dans la lecture du roman de Merdaci, cette atmosphère apocalyptique, saturée d'énigmes complexes et déroutantes, deviendra de plus en plus intense. Passionné de cinéma et de littérature depuis sa prime jeunesse, Djamel Eddine Merdaci a «mis» dans son roman toute sa culture d'érudit. Utilisant une trame policière comme «prétexte», il nous livre un roman de haut niveau : suspense à vous couper le souffle, profusion de personnages aussi importants les uns que les autres, digressions fréquentes mais bien collées à la trame principale, et surtout un sujet maîtrisé de bout en bout. Le commissaire Pacha et les inspecteurs Joas et Henia essayent de démasquer un assassin en série, dont les meurtres sont «presque parfaits», (dixit feu Alfred Hitchcok). Aux cadavres de l'égyptologue et du «dealer» découverts par les voisins dans la «bicoque crasseuse» de la Basse Casbah, vont s'ajouter de multiples meurtres. Des «cadavres exquis» à la William Burroughts. En fait, L'impasse du Maltais est difficile à résumer tant le romancier a multiplié les digressions, les diversions et «les petites histoires» toutes aussi rocambolesques et attachantes les unes que les autres. En effet, Merdaci nous dit que tous ses personnages ont «une histoire» pleine de tristesse, de malheur et d'un peu de… bonheur ! L'auteur de L'impasse du Maltais ne laisse rien au hasard. Il nous présente presque tous ses personnages en des biographies courtes mais bien détaillées. Mais si le romancier utilise certaines techniques empruntées au cinéma et à la littérature «policière» pour dérouter le lecteur, le faire perdre dans des labyrinthes obscurs et sans issue, il le «mène» cependant petit à petit vers le dénouement de l'intrigue principale, voire le dénouement de toutes ces histoires qui collent à Pacha, Henia, Ahmed Chawki, Thameur Benchami et compagnie. Les derniers chapitres du roman nous font découvrir Bachir Bertila, dit le «Manchot», dans tous ses états. Musicien frustré, il se venge en assassinant tous ses anciens collègues. Cependant, Merdaci qui utilise même l'histoire de Arroudj, le pirate manchot, comme miroir de Bachir Bertila, fait l'éloge où plutôt termine son livre par une élégie pour Adam Tenid dit l'«égyptologue» (né en novembre 1954 !), journaliste nègre malgré lui dans L'arc-en-ciel, le canard à scandales. Le premier assassiné dans la première phrase du chapitre un (p.15) est le héros principal ! Sa vie pleine de «symboles» pour l'Algérie moderne, voire tout le Maghreb, est un morceau de notre histoire aux tristes vicissitudes. De la p. 283 à la p. 286, Merdaci lui réserve «un requiem» digne des icônes. Un roman superbement écrit, à lire absolument.
1+2 Editions-Casbah-Alger 2012. D. E. Merdaci a passé une grande partie de son activité journalistique comme critique de cinéma. Il est aussi nouvelliste et scénariste.