Lorsque la raison est impuissante pour solutionner les conflits, elle cède la place à la brutalité. Souvent, après le déchaînement de cet instinct de l'animalité, les belligérants retrouvent leur humanité en témoignant du respect à l'adversaire, qui peut aller jusqu'à l'amitié. Cette attitude est valable pour les individus, mais également pour les pays : l'exemple du couple franco-allemand est là pour en témoigner. Il en est autrement des relations franco-algériennes qui semblent loin du niveau escompté. En effet, nos deux pays, qui partagent de puissants intérêts (économiques, culturels, humains, etc.) se regardent en chiens de faïence, en dédaignant une multitude de chances. Quand le ciel s'éclaircit, des semeurs de vent se mobilisent, de part ou d'autre, afin de déclencher la tempête. D'un côté, on glorifie les bienfaits de la colonisation qui asservissait les autochtones, de l'autre on pose le couteau sur la gorge de l'ancienne puissance coloniale en exigeant d'elle une repentance immédiate. Qui sont ces pêcheurs en eau trouble qui empoisonnent les relations entre nos deux peuples ? On peut identifier au moins trois catégories Les individus traumatisés : dépourvus de lucidité afin de percevoir les exigences d'aujourd'hui, ils demeurent fixés au passé. Les uns rêvent, avec nostalgie, des «temps bénis des colonies» qui leur assuraient la suprématie grâce à leur appartenance à une communauté, tel cet ancien ministre français qui vient d'adresser un geste obscène à l'adresse de notre pays ; d'autres demeurent d'éternels colonisés, qui se sentent encore opprimés par le «colonialisme français» : certains réagissent par la soumission, d'autres par l'agressivité. Les hypocrites : affirmant des choses à voix haute, mais accomplissant des actes dont ils devraient avoir honte. Tels les adeptes du slogan débile «Qui tue qui ?», lesquels pendant des années s'acharnaient sur notre armée afin de la déstabiliser, sous le fallacieux prétexte de défendre la démocratie. Pourtant, ils combattaient les taliban algériens qui voulaient instaurer un régime odieux, semblable à celui qu'ils viennent de concrétiser à Tombouctou et à Gao. D'ailleurs, comparés à nos tueurs, les intégristes tunisiens de M. Ghannouchi ressemblent à des enfants de chœur. L'hypocrisie de certains Algériens haut placés envers les Français ne manque pas d'étonner. Assurément, tout en insultant cette nation, ils s'empressent d'y transférer progéniture et vil butin afin de s'assurer de confortables lendemains ; au moindre bobo, ils se précipitent dans les établissements hospitaliers de ce pays afin de se faire soigner. En proférant des sottises, ils ne songent guère aux désagréments occasionnés à nos compatriotes établis en France en grand nombre. Les combattants de la vingt-cinquième heure : fort nombreux dans les deux camps. D'un côté, ceux qui étaient affectés aux cuisines et qui veulent perpétuer une guerre qu'ils ont fui en temps utile ; de l'autre, des «révolutionnaires» ayant pris le maquis en ville, au lendemain du 19 mars, afin de combattre la France. Car, depuis la parution de l'ouvrage du défunt Rachid Mimouni, nous savons que le fleuve de la Révolution algérienne fut détourné en 1962 et que certains «chefs de guerre» ont un passé qui prête à rire. Ces individus semblent motivés par la satisfaction de leur propre lubie et non par la promotion des intérêts de leur pays. D'ailleurs, le vulgaire bras de déshonneur offense la dignité des Algériens, mais également l'intelligence des Français. En effet, il est navrant de constater qu'au pays de Voltaire, de prétendus hommes d'Etat ne disposent que des arguments de voyous pour la promotion de leurs idéaux. Par ailleurs, la repentance forcée de la France ne sortira nullement la majorité du peuple algérien du mal-vivre occasionné par l'incompétence de ceux qui l'ont gouverné ; elle servira juste de trophée à ces derniers afin de continuer à régner. C'est peut-être pour cela que les sages des deux camps font leur possible afin de contrecarrer ceux qui empêchent nos pays de profiter des occasions existantes en compromettant notre avenir. Effectivement, car de nos jours la domination est, semble-t-il, de nature économique et financière et ceux qui excellent présentement dans cet art sont asiatiques, surtout depuis le réveil de la Chine. Cette nation industrieuse de près d'un milliard et demi de personnes pourrait inonder la vieille Europe de produits de qualité à un prix difficile à concurrencer. Amputée de la production industrielle qui faisait sa prospérité, la France pourrait connaître de forts taux de chômage et une douloureuse précarité. Comme les êtres affaiblis attirent les prédateurs : outre les Chinois, les riches émirs du Golfe vont se précipiter afin d'acquérir les biens bradés en mettant en péril la souveraineté de ce pays. Quant au devenir de l'Algérie, qui dépend actuellement à 98% des éphémères revenus pétroliers, il vaut mieux ne pas en parler : son cas est presque désespéré. Au lieu de nous apitoyer sur le passé qui est mort et enterré, il serait plus judicieux de tenter de créer une aire de développement économique et de bien-être autour des deux rives de la Méditerranée en nous appuyant sur nos potentialités et nos synergies. En revanche, les attaques visant notre armée étaient déplacées, car c'est la seule institution qui garantit l'unité du peuple et l'intégrité territoriale du pays. Il en est autrement des politiciens au pouvoir qui spolient les citoyens de leurs droits ou dilapident les deniers de la collectivité : ceux-là sont à combattre sans retenue. Inversement, nous devons laisser nos amis français gérer leur sombre passé colonial comme il leur sied. Espérons que la visite du président François Hollande contribuera à dissiper les malentendus qui subsistent entre nos deux pays. Ainsi soit-il. Incha Allah.