Environ 2,3 millions de Jordaniens ont été appelés hier aux urnes pour désigner 150 membres de la Chambre basse du Parlement, pour un mandat de quatre ans. Ainsi qu'il fallait s'y attendre, les Frères musulmans, principale force d'opposition, et le Front de réforme national de l'ex-Premier ministre Ahmad Obeidat ont appelé leurs partisans à boycotter le scrutin. Les Frères musulmans réclament la révision du découpage des circonscriptions électorales qui avantage, selon eux, les régions rurales, plutôt proches du régime. Tout comme M. Obeidat, ils dénoncent également le manque de réformes et exigent l'instauration d'un système parlementaire dans lequel le Premier ministre serait issu de la majorité du Parlement, et non plus nommé par le roi. «Les Parlements précédents ont prouvé leur incapacité à introduire des réformes et du changement. Le Parlement à venir n'y fera pas exception. Il pourrait même être pire», a récemment estimé Zaki Bani Rsheid, un des dirigeants des Frères musulmans. Le Premier ministre Abdallah Nsour a, pour sa part, assuré que ces élections étaient «un pas vers les réformes et non pas la fin des réformes», après avoir voté dans sa ville natale de Salt, au nord-ouest d'Amman. «Cette fois, les élections sont propres», a-t-il affirmé, en faisant état d'«une nouvelle ère». «Le peuple veut des pouvoirs législatif et exécutif forts et solides.» Un Parlement sans poids politique En l'absence des islamistes, la victoire de chefs tribaux, de personnalités proches du régime et d'hommes d'affaires semble assurée. «Le Parlement à venir sera de courte durée, car il n'aura pas de poids politique», a prédit Zaki Bani Rsheid, après le début du scrutin. «Ces élections vont aggraver les problèmes au lieu de les résoudre, surtout à cause du boycott. Nous allons voir l'émergence d'un Parlement sans aucun poids politique», a également estimé Oraib Al Rintawi, directeur du Centre Al Qods pour les études politiques. D'autres observateurs pensent que le boycott des Frères musulmans va considérablement réduire la portée des réformes politiques engagées par le roi Abdallah qui comptait sur cette élection pour «soigner» la vitrine démocratique de la Jordanie et faire oublier la crise économique qui frappe son pays. L'attitude des Frères musulmans vient à un mauvais moment. La Jordanie traverse une période économique difficile, avec un déficit budgétaire de 3,6 milliards d'euros en 2012 et un taux de chômage officiel de 14%, mais qui serait, selon d'autres sources, de 30%. La vague du Printemps arabe, qui a conduit au renversement de quatre régimes dans la région, s'est traduite dans le royaume hachémite par des manifestations, petites mais régulières, en faveur de réformes économiques et politiques, et contre la corruption. Elles ont pris une tournure plus importante, mais aussi plus violente, en novembre 2012 après que le gouvernement eut décidé d'une hausse des prix du gaz et de l'essence. Pour encourager les électeurs à venir départager les 1425 candidats, dont 140 anciens parlementaires et 191 femmes, la journée d'hier a été déclarée fériée. Quelque 47 000 policiers ont été déployés pour assurer la sécurité du scrutin.