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Que veulent les Frères musulmans d'Egypte ?
Notre envoyé spécial dans les coulisses des «Ikhwane»
Publié dans El Watan le 24 - 01 - 2013

Les Frères musulmans d'Egypte, qui détiennent aujourd'hui le pouvoir, constituent-ils réellement ce mouvement pacifique dont les sympathisants disent de lui qu'il préfère la «daâwa» au «djihad» ?
Notre reporter Mustapha Benfodil est allé fréquenter les coulisses des «Ikhwane». Il revient avec un reportage par lequel il nous éclaire sur l'univers contrasté et paradoxal d'une organisation à l'apparat «bon chic, bon genre», mais prête à tout pour confisquer durablement le pouvoir.
Le Caire.
De notre envoyé spécial

Ramadhan 2010. Les chaînes télé arabes se passionnent pour un feuilleton qui va éclipser tous les autres. Il s'agit d'Al Gamaâ, réalisé par Mohamad Yassin, sur un scénario de Wahid Hamed. Le feuilleton retrace l'histoire des Frères musulmans, avec, comme fil rouge, le parcours de son fondateur Hassan El Banna, campé par le comédien jordanien Iyad Nassar. C'est en 1928 que le cheikh Hassan El Banna fonde la confrérie des Frères musulmans dans la ville d'Al Ismaïliya. Cette organisation, qui est panislamique dans son essence, plaide pour une réforme globale des sociétés musulmanes, en se basant sur la «daâwa» plutôt que sur les méthodes révolutionnaires radicales.
En l'occurrence, le terrain social, les réseaux caritatifs, l'information et l'éducation sont ses terrains privilégiés dans sa stratégie d'impulsion du changement. Cependant, le feuilleton Al Gamaâ décrit le cheikh El Banna comme un personnage sévère, peu tolérant depuis son jeune âge, insolent envers les maîtres traditionnels, et n'hésitant pas à inciter ses affidés au crime, quand cela s'avère nécessaire. Cet aspect controversé de la personnalité de «Al imam a-Chahid» (il fut assassiné le 12 février 1949) déclenche une vive polémique et une vague d'indignation de la part des milieux Ikhwane. En même temps, ces derniers n'ont pu s'empêcher de reconnaître que le feuilleton leur a fait une publicité inespérée.
Mahmoud Ghazlane, lui, n'a pas vu le feuilleton en question. «J'avoue que je n'aime pas son auteur, et puis je n'avais pas de temps à perdre avec un tel programme», nous dit-il d'un sourire contrit. Barbe blanche et costume de rigueur, Mahmoud Ghazlane est une figure importante des Frères musulmans. Il fut pendant de longues années le secrétaire général de l'organisation. Aujourd'hui, il en est le porte-parole officiel. Ce professeur d'agronomie à l'université de Zagazig, âgé de 65 ans, siège par ailleurs au sein de l'Assemblée constituante.
« Ce sont les Frères qui ont préparé la Révolution »
En ce 1er janvier 2013, alors que c'est un jour férié, l'homme est depuis les premières heures de la journée à son bureau, au premier étage d'un immeuble cossu situé dans un quartier résidentiel de la ville d'Al Mokattam, dans la banlieue sud du Caire, et sur lequel est gravé en larges caractères : «El Markaz el aam li jamaât el ikhwane el mouslimine». Le mobilier est flambant neuf. Le personnel de service est bien sapé. Mahmoud Ghazlane nous propose aimablement un thé ou un café. Il se veut affable. Néanmoins, on sent chez lui un soupçon de nervosité. Et pour cause: l'homme se méfie des journalistes comme de la peste. «Les médias ont mené une campagne féroce contre nous», se plaint-il.
Le porte-parole de la «Gamaâ» se félicite d'emblée de l'opération référendaire: «Le référendum est une expression raffinée de la démocratie. Sous Moubarak, le résultat aurait été de 90% de oui, en raison du trucage. Le scrutin a été extrêmement honnête. Le résultat de 64% a fait triompher la volonté populaire. L'Egypte a désormais une Constitution et tout le monde se doit de la respecter conformément aux règles démocratiques». A ceux qui disent que les Frères ont pris le train de la révolution en marche avant de la détourner à leur propre compte, il rétorque: «Ce sont les Frères qui ont préparé le terrain à cette révolution. Depuis les années 2000, ils ont commencé à descendre dans la rue, tantôt pour dénoncer l'état d'urgence, tantôt pour dénoncer la tentation du ‘‘tawrith'' (transmission du pouvoir à Gamal Moubarak, ndlr). En 2006, ils sont descendus pour l'indépendance de la justice, il y a eu 700 arrestations, et parmi eux, il y avait le Dr. Morsi. Cela lui a coûté 9 mois de prison».
Et de relater le long feuilleton des répressions qui se son abattues sur la confrérie : «Durant les dernières années, il y a eu 40 000 membres des Ikhwane qui ont été arrêtés et emprisonnés. Et nombre de leurs dirigeants ont été traduits devant la cour martiale. Leurs biens ont été confisqués et leurs entreprises fermées. Certains sont morts sous la torture. Moi-même, j'ai été emprisonné trois fois, et j'ai été condamné à 5 ans de prison. Tout cela a mobilisé le peuple contre le régime». Pendant les années de clandestinité, Mahmoud Ghazlane indique que les Frères se sont beaucoup plus investis dans le social, leur terrain de prédilection. «On était interdits, mais cela ne nous a pas empêché de travailler. On militait dans le domaine social, éducatif, culturel, et même dans le domaine politique. Nous avions nos candidats aux législatives mais comme indépendants. Aux dernières élections sous Moubarak, nous avions 88 députés». Aujourd'hui, admet-il, les Frères sont attendus au tournant. «Tout le monde nous a à l'œil, car ils ne veulent pas qu'une expérience islamique réussisse.
Les ennemis sont nombreux, à commencer par les restes de l'ancien régime qui ont perdu leurs intérêts. Ils ont amassé une immense fortune et ils utilisent cette manne pour faire de la propagande contre nous en louant des ‘‘baltaguiya''. Certains d'entre eux possèdent des chaînes TV qui ont déclenché une guerre sordide pour salir notre réputation». A ceux qui accusent les FM d'user de la violence, il fait valoir les morts de son propre camp: «Si vous comparez le nombre des Frères musulmans tués (lors des affrontements du Palais présidentiel début décembre, ndlr) et ceux des autres, il y a eu 10 morts du côté des Frères. Les autres ont perdu un élément et ce n'est pas nous qui l'avons tué. Nous n'avons pas d'armes. Nous avons enregistré, en outre, 1500 blessés. On a eu 29 bureaux brûlés ou saccagés, alors que pour notre part, nous n'avons attaqué aucun siège d'aucun parti.» Et de conclure : «Nous sommes nationalistes et nous n'excluons personne.
Nous disons aux autres : ‘‘venez, mettons la main dans la main pour construire l'Egypte, qui est aujourd'hui dans une situation critique du fait de la corruption du régime précédent et de l'anarchie qui a régné durant les deux dernières années''. Et s'il y a un différend entre nous, que les règles démocratiques soient l'arbitre. Il faut respecter l'avis de la majorité».
Au siège national du Parti de la Liberté et de la Justice, l'aile politique de la confrérie, il y a une animation ininterrompue. Un impressionnant dispositif de sécurité est déployé dans le périmètre, avec camions de police et forces anti-émeutes. Et pour cause : le parti de Morsi est niché au cœur du pouvoir. Il a pour voisin direct le ministère de l'Intérieur et d'autres départements ministériels.
Quand le PLJ joue aux médiateurs
Le service des relations publiques du parti nous prend diligemment en charge. Sayed, un membre du staff, parle couramment français. En attendant d'être reçus par le chef du service de presse, Walid El Badry, des citoyens défilent pour faire part de leur requêtes au parti, comme s'il s'agissait d'un bureau de doléances ou le médiateur de la Présidence. Ce travail de proximité est la marque de fabrique des Frères. A un moment donné, un citoyen lambda fait irruption. Il a un problème avec un de ses voisins d'immeuble qui a condamné l'escalier de secours. «Je me suis plaint à la police mais ils n'ont rien fait, alors, je suis venu vous voir, car, vous, ils vous écoutent», explique-t-il. L'homme insiste auprès de Sayed pour qu'il fasse pression sur la police. Sayed s'absente un moment et revient, accompagné d'un responsable du parti qui écoute attentivement le plaignant en prenant des notes. Il enregistre ses coordonnées et promet de faire quelque chose.
Sur ces entre faits, un vieux en «abaya» sollicite, à son tour, les bons offices du parti pour une autre affaire. Sayed cache mal son exaspération. Il lui signifie à voix basse: «Après, après. Nous avons ici un invité algérien et il n'est pas bon d'étaler vos problèmes devant lui.» Ensuite, c'est une pointure qui débarque. Un certain Sadek Radwan, un membre du parti qui vit en Allemagne, et qui devait se présenter aux élections présidentielles. «Mais j'ai laissé ma place au frère Morsi», se vantera-t-il devant Walid, l'attaché de presse. L'homme est tiré à quatre épingles et arbore une grosse montre de luxe. Il est venu voir Saâd El Katatni, le président du parti. Il est accompagné d'un homme en costard et à la longue barbe banche qui nous décoche des regards méfiants.
Walid, le soufi devenu «Ikhwani»
Sadek Radwan explique son long CV au «jeune» Walid. Il s'adresse à lui sur un ton plein d'arrogance. «Tu es de Assouan ? Tu sais, je suis le seul à avoir laissé une empreinte à Assouan. J'y ai vécu dans les années 1980. J'étais commissaire de police à l'époque et j'y ai fait régner l'ordre. A 18h, je faisais fermer tous les bars. A 19h, je fermais les cafés. Et aucune femme n'osait se plaindre ou demander le divorce sous mon autorité. Elles étaient droites comme un ‘‘alif'' (A).» Le commissaire Sadek démissionne en 1990 et part à l'étranger. Il obtient un doctorat au Kazakhstan et devient expert en management et économies de développement. Après, il s'installe à Francfurt et se fait remarquer des autorités allemandes. «C'est moi qui ai défendu Morsi auprès de l'Union européenne», se targue-t-il encore. Avant de prendre congé de Walid, il peste : «Il y a beaucoup d'incompétents dans ce parti. Si vous voulez réussir, ouvrez une académie de management et formez vos cadres !».
Walid El Badry, le chef du service de presse, a 32 ans. Il est diplômé de l'université d'Al Azhar. Costume gris et collier de barbe, il a une tache au front, signe distinctif des hommes pieux. Très actif sur Facebook, il est plus discret, en vrai, et plutôt timide. Walid se définit comme un «soufi ikhwani». «J'ai rejoint les Frères Musulmans en 1998», confie-t-il. «Avant, j'étais d'obédience soufie. J'étais un adepte de la confrérie Chadilia». Ce qui l'a attiré dans la pensée «ikhwane», c'est sa «wassatia» comme il dit, sa modération. Il y voit un juste milieu entre la spiritualité exaltée du soufisme et la ligne rigoriste du salafisme. Walid est originaire de Izbat Masr, petit village du gouvernorat d'Assouan. «J'étais très actif dans mon village. J'inculquais le Coran aux enfants.
Un membre des Frères m'a repéré. Il a commencé à me parler de la Gamaâ. J'ai été séduit par les idées des Frères et c'est ainsi que je m'y suis engagé.» Pour lui, la révolution du 25 janvier «est un miracle». «On n'osait même pas en rêver, de peur d'être arrêtés en plein rêve», lâche-t-il.
Ce qui fait la force des «Ikhwane», insiste-t-il, c'est leur proximité du peuple. «Les autres partis n'ont pas d'ancrage social. Ils sont coupés du peuple. Dans mon village, les Frères sont proches des gens. Ils ont un rôle important dans la vie du village. Pour le moindre problème, ils sont là. Ce sont eux qui règlent les conflits entre les habitants». Et de marteler : «Ceux qui nous critiquent parlent une langue étrange que l'homme de la rue ne comprend pas. On les voit à la télévision, mais ils sont loin du peuple. S'ils avaient vraiment une base populaire, ils seraient sortis de la télévision et auraient investi la rue».


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