Les ouvriers de la briqueterie de Fréha sont en grève depuis dix jours pour réclamer l'amélioration des conditions de travail et la revalorisation des salaires. Ils sont une centaine de travailleurs dont des contractuels et des ouvriers recrutés dans le cadre du pré-emploi à se rassembler depuis dix jours dans la cour de la briquèterie-tuilerie de Frèha, à 30km au nord de Tizi Ouzou. Sur le portail de l'usine, de larges banderoles demandant le départ des responsables de l'entreprise publique. Au milieu de la cour une table et une chaise sont préparées pour accueillir l'huissier de justice, attendu hier pour établir le constat. La briqueterie de Fréha qui produit en moyenne 25 000 briques/jour couvrant une partie du marché local est à l'arrêt depuis 10 jours. «Nous vivons le calvaire depuis 8 ans avec la régression des conditions de travail et la dégradation de la relation avec la direction de l'usine. Et ce, du fait que nous avons décidé de nous organiser afin de revendiquer nos droits dont la révision des salaires, la régularisation des contractuels, l'application du plan d'investissement pour l'amélioration du cadre du travail», explique Madjid Cherifi, président du comité de participation et également responsable de la section syndicale affiliée à l'Ugta. Et de poursuivre : «Au lieu d'écouter et de prendre en charge les doléances des travailleurs, la direction a répondu par le licenciement abusif de 7 collègues». La radiation des 7 travailleurs a été la goutte qui a fait déborder le vase. Visite dans la fabrique. Sur le chemin de l'atelier, le guide, un ouvrier pointe du doigt un bâtiment : «Voici le bloc administratif. Il n'y a personne, le directeur et son assistante ne se sont pas rendus à l'usine depuis le 21 janvier, soit le début de la grève». Plus loin, deux citernes d'eau sont installées à l'extérieur des toilettes. L'usine dispose d'un réservoir d'eau utilisée pour mouiller l'argile, mais point d'eau potable. Les travilleurs consomment malgré eux l'eau des citernes aux dépens de leur santé. Sur le plan sanitaire, l'unité ne dispose pas d'une salle de soins d'urgence. Pas même une ambulance pour les évacuations, notamment de nuit, pour cette usine qui fonctionne également avec une équipe de nuit. «Les personnes qui se blessent pendant le travail, nous les évacuons avec nos véhicules. Encore, ce n'est pas tous le monde qui en possède», dit-on. A l'intérieur de la fabrique, des flaques d'eau de pluie témoignent de la mauvaise étanchéité de la toiture en zinc. «Ici nous n'avons aucun endroit pour manger, changer nos vêtements. Les responsables n'ont fait aucun effort pour aménager des vestiaires et équiper les travailleurs», regrette un autre ouvrier. Les travailleurs se débrouillent comme ils peuvent. Des petits espaces sont aménagés, séparés par des armoires métalliques pour leur servir de vestiaires. La sécurité dans ce milieu de travail n'est pas en reste. Dans le petit atelier de mécanique et de soudure, le toit est maintenu à l'aide des pieds droits métalliques. «Cela peut s'effondrer sur nos têtes à tout moment et nous sommes plusieurs à fréquenter cet espace. Le four dégage d'importes quantités de gaz brulés que nous respirons malgré nous. Le même appareil n'a même pas un système d'allumage, étant cassé. Je le mets en marche à l'aide d'un manche à ballet qui me permet de connecter le gaz et l'étincelle pour éviter l'électrocution», dit ce père de famille qui s'occupe de la cuisson des briques. Son collègue assure qu'un rapport détaillé sur la sécurité a été transmis, mais sans suite. Les syndicalistes rencontrés sur les lieux ont affirmé qu'il existe un plan d'investissement pour l'usine mais il peine à se concrétiser. «Ce sont les travailleurs qui ont sacrifié quelques mois de salaire pour acheter un chariot élévateur et un autre équipement», ajoute-t-on. A la sorti de l'usine, un ouvrier nous interpelle : «Parlez des œuvres sociales, nous n'avons jamais vu l'argent des œuvres sociale et les cadeaux de fin d'année. Nous sommes payes, tous, pas plus de 23 000 Da alors que nous travaillons dans des conditions difficiles de jour comme de nuit», dit, dépité, ce père de famille, une fiche de paie à la main.