Tous les secteurs ont accusé des retards énormes. Ce constat a été dressé par le chef de l'Etat lui-même. Hier, à l'occasion de la dernière journée de sa visite de travail et d'inspection dans la capitale, le président Bouteflika n'a pas, en effet, été tendre avec ses ministres. Les premiers responsables des secteurs des finances, des participations et de la promotion des investissements, de l'éducation, de l'enseignement supérieur, des transports et des travaux publics ont reçu les blâmes du premier magistrat du pays. Ce dernier s'est montré mécontent et parfois irrité par la prestation de ses ministres. S'arrêtant dans la commune de Bab Ezzouar (est d'Alger) pour lancer les travaux d'aménagement du quartier d'affaires de la ville d'Alger (un projet de 10 milliards de dinars), M. Bouteflika, constatant l'ampleur des lenteurs administratives ayant freiné le flux des investissements en Algérie, a déversé sa colère sur Abdelhamid Temmar, ministre des Participations et de la Promotion des investissements, et Mourad Medelci, ministre des Finances. « Vous m'avez menti ! Vous faites perdre aux Algériens des millions de dollars », a-t-il lancé à leur adresse. La bureaucratie et les lenteurs administratives, a-t-il constaté, bloquent les investissements étrangers directs en Algérie et, par ricochet, toute la stratégie industrielle du pays. A cet effet, le Président a ordonné à ce qu'il y ait des interlocuteurs en mesure de faciliter la tâche aux investisseurs potentiels. Il a, en outre, mis l'accent sur la nécessité de la mise en place de conditions encourageantes pour les investisseurs étrangers qui participent à l'éclosion de leurs projets. M. Bouteflika s'est dit « peiné » de voir des investisseurs étrangers hésitant à venir en Algérie à cause de la lourdeur des procédures. Le problème du foncier industriel était, rappelle-t-on, posé maintes fois par les hommes d'affaires étrangers ayant visité le pays ces dernières années. L'autre ministre qui a été sermonné par le premier magistrat du pays est le ministre des Transports, Mohamed Maghlaoui. En procédant, dans la matinée d'hier, à l'inspection du chantier de réalisation de la nouvelle aérogare d'Alger, M. Bouteflika, constatant les retards mis dans l'exécution de ce vieux projet, a critiqué vivement M. Maghlaoui. « Vous êtes très en retard et ce n'est pas ce que vous avez dit en Conseil des ministres », lui a-t-il reproché. Entamé en 1986, le projet de la nouvelle aérogare ne sera pas ouvert avant l'été prochain. Interrogé à ce sujet, le ministre des Transports dira que la seule chose qui retarde son ouverture est le transfert de la gestion. « C'est la gestion qui pose problème et cela demande beaucoup de temps », a-t-il indiqué. Par ailleurs, le président Bouteflika a mis en garde les responsables de cette aérogare contre l'attribution des locaux commerciaux de cette infrastructure sur la base de la « camaraderie ». Auparavant, en constatant l'étroitesse des accès à la nouvelle aérogare, M. Bouteflika a exhorté le ministre des Travaux publics et les responsables du projet d'aménager davantage d'espaces verts et d'opérer de larges espacement entre les accès routiers menant à cette infrastructure. Les diplômes ne sont pas valables Contrairement à ses habitudes, M. Bouteflika voulait, décidément, laver son linge sale en public. Les systèmes d'éducation et de l'enseignement supérieur n'ont pas été épargnés par la critique du chef de l'Etat. Effectivement, beaucoup de défaillances ont été relevées dans ces deux secteurs. Il s'agit des manques graves dans la formation des formateurs, la gestion, la maintenance et la fuite des cerveaux. « Il y a un problème plus grave qui se pose à tous les niveaux, aussi bien pour l'enseignement primaire, secondaire et supérieur, c'est celui de la formation des formateurs », a-t-il souligné. Et d'ajouter : « On ne peut pas continuer à dire qu'on a besoin d'un assistant aux dépens d'un ancien professeur de lycée. Ce n'est pas possible et cela ne peut déboucher que sur la médiocrité des diplômes. » L'Algérie, a-t-il martelé, ne peut pas continuer à former des gens pour qu'ils aillent au chômage. « Il faut le dire, ce diplôme n'est pas valable. Je l'ai constaté en tant qu'observateur. Je vois les choses de loin », a-t-il affirmé. A ce sujet, le Président a sommé MM. Harraoubia, ministre de l'Enseignement supérieur, et Benbouzid, ministre de l'Education, d'élaborer un rapport sur la situation dans leurs secteurs respectifs. Des rapports qu'ils sont tenus de soumettre, prochainement, au conseil de gouvernement et au Conseil des ministres. La question de la fuite des cerveaux a été également soulevée par M. Bouteflika en donnant consistant à instaurer des contrats d'engagement avec les gens formés en Algérie. S'agissant de la gestion et la maintenance, M. Bouteflika a parlé d'une « situation alarmante ». Ainsi, il a appelé à la création d'universités de gestion. « Je veux que les hôpitaux, les écoles et tous (les établissements publics) soient gérés par un personnel qualifié », a-t-il exigé en précisant qu'un professeur de médecine dans un grand hôpital à Paris ne gère pas l'établissement. Le problème de la formation en maintenance, a-t-il ajouté, doit être résolu avec le ministère de la Formation professionnelle. Le président Bouteflika généralisera ce constat à tous les secteurs. « Il n'y a pas un seul secteur où nous n'avons que de bons gestionnaires, à commencer par le domaine de la jeunesse et des sports où il n'y a pas une seule équipe de football bien gérée », a-t-il fait remarquer.