Un spectacle infâme nous accueille de plein fouet: des taudis embourbés, infiltrés, fissurés de partout, et de pauvres enfants pâles nous regardant comme si nous étions le messie. Insoutenable ! Le bidonville Zerzara est une calamité pour la ville du Vieux Rocher. C'est le plus misérable de tous, le plus urgent à éradiquer. Ses occupants, au nombre de 170 (en tout 47 familles) sont dans une situation effroyable. Même s'il est complètement caché aux regards, ce baraquement érigé autour d'une ancienne ferme coloniale où travaillaient ses premiers habitants dans les années 1950, n'en abrite pas moins aujourd'hui toute une communauté. Faute de mieux, ces personnes sont demeurées sur ces lieux envasés et nauséabonds, qui plus est sans eau potable ; ils y ont, à leur corps défendant, fondé un foyer de fortune. Afin d'y accéder, il faut traverser le terrain de sport de la résidence Mahmoud Mentouri (Zerzara), en se cachant presque ; ensuite il faut déployer une panoplie d'astuces pour se frayer un chemin entre les barres servant d'enceinte à la résidence. Un spectacle infâme nous accueille de plein fouet: des taudis embourbés, infiltrés, fissurés de partout, et de pauvres enfants pâles nous regardant comme si nous étions le messie. Insoutenable ! L'on pense d'emblée à un camp de concentration. D'ailleurs les étudiants résidents appellent ce bidonville, par dérision, le «13e pavillon», en référence aux 12 pavillons de leur résidence universitaire. Le président du comité de quartier, Abdelmadjid Chetaïb, nous rapporte que les services de l'hydraulique ont voulu faire passer le réseau d'assainissement de la résidence universitaire et du théâtre de verdure par ce bidonville en 2011, mais que les habitants ont catégoriquement refusé. «Ce serait vraiment le comble que des buses de cette taille traversent nos misérables taudis, alors que nous souffrons déjà de maladies hydriques, respiratoires, dermiques, etc.», martèle-t-il. Depuis, l'égout interrompu à leur niveau, se déverse directement sur eux. Ces familles qui ne cessent de lancer des appels au secours depuis des années, ont fini par perdre patience par deux fois en janvier écoulé. Comme beaucoup de personnes avant et après eux, ils ont recouru à la fermeture de la route de Aïn El Bey. «Nous avons toujours désapprouvé cette méthode, nous ne sommes pas des brutes, mais là c'est trop de souffrances pour nous et nos enfants ; nous voulons que les autorités pensent à nous dans ce marasme que nous endurons depuis trop longtemp », se justifie le président du comité de quartier. «Personne ne comprend notre détresse », ajoute une autre habitante, le visage tourmenté. Pour faire libérer la route, le chef de daïra qui s'était alors déplacé sur les lieux, leur avait fait la promesse solennelle d'étudier leur cas en urgence. Où en est aujourd'hui cette promesse, au moment où ils croupissent à la merci de ces intempéries meurtrières, qui risquent encore de durer? Le cas de ces gens est, à notre sens, encore plus urgent que celui des habitants des bidonvilles ayant été relogés, ou en voie de l'être.