Le projet de gouvernement de technocrates de Hamadi Jebali est désormais au centre de tous les débats de la classe politique en Tunisie. Toutefois, face aux enjeux importants de l'étape, de quels moyens doit se munir Jebali pour réussir dans sa tâche de sauvetage ? Tunisie De notre correspondant Le chef du gouvernement tunisien, Hamadi Jebali, a lancé son initiative de gouvernement de technocrates le soir même de l'assassinat de Chokri Belaïd, le 6 février. Depuis, cette initiative a fait du chemin. Faute d'une Assemblée politique efficace pour la mettre en application, Jebali s'est appuyé sur un conseil de sages pour réfléchir avec lui à l'initiative et aller de l'avant dans sa réalisation. Les seize sages choisis par Jebali traduisent un mélange savant d'expérience politique et de savoir académique, sans ignorer la présence significative de représentants d'Ennahda. Ainsi, il y a Nejmeddine Hamrouni, le candidat nommé pour suppléer Lotfi Zitoun comme conseiller politique du gouvernement. Il y a également Abdelfattah Mourou, le vice-président d'Ennahda et représentant personnel de son président. Il y a aussi Ben Aïssa Demni, un membre fondateur d'Ennahda, quoique écarté depuis un moment des sphères dirigeantes. A souligner par ailleurs la présence de personnalités proches d'Ennahda (Hamouda Ben Slama et Abou Yoôrob Marzouki), ou d'autres ayant milité au sein de la tendance des islamistes progressistes (Slaheddine Jourchi, Hmaïda Enneifar, Fathi Touzri). Pied de nez à Ghannouchi La présence du bord laïc est beaucoup plus faible. Elle se limite à Iyadh Ben Achour, Kaïs Saïed, Abdeljeli Temimi et Mansour Moalla. Ils représentent diverses colorations du paysage politique non islamiste. Mais que cherche Hamadi Jebali ? Faute d'une Assemblée qui peut débattre de manière efficace de l'avenir de la Tunisie, Hamadi Jebali a choisi un «mini-Parlement» pour le conseiller. Certains observateurs ont déjà vu dans l'initiative un moyen de faire éviter le Waterloo à Ennahda. Interrogé sur la question, l'universitaire Ghazi Gheraïri a répondu : «Je comprends que certains regardent cette initiative comme une bouée de sauvetage pour Ennahda. Il n'empêche qu'en l'état actuel du blocage politique et institutionnel vécu par notre pays, il faut donner du crédit et ses chances à cette démarche.» Ceci n'a pas empêché Gheraïri de faire des réserves. «Je tiens à préciser que cette initiative demeure encore assez globale. Il n'y a pas eu de débats sur les sous-options de ce choix de gouvernement de technocrates. Il reste à définir les critères de choix de ces technocrates», a-t-il constaté. Il s'est également posé des questions. Il reste aussi à préciser qui va définir la feuille de route du gouvernement ? Sera-t-elle tracée par Jebali lui-même ? Sera-t-elle «technique», elle aussi, ou, plutôt, la feuille de route du parti du chef du gouvernement, donc partisane ? Rien n'a filtré concernant tous ces détails sur cette proposition, a dit Gheraïri. Quant aux conditions objectives de réussite d'une telle initiative, l'universitaire pense qu'il est clair qu'elle a besoin «de l'appui politique le plus large possible, faute d'un consensus national pour éviter qu'il y ait un parti politique ou un bord qui dicte au gouvernement ses orientations». Le constitutionnaliste pense que «le grand avantage de cette option est l'absence d'arguments électoralistes à faire prévaloir par l'équipe gouvernementale». Beaucoup de questions restent donc posées face à cette initiative, salutaire pourtant, de l'avis d'une majorité de la société tunisienne.