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Demain, le FLN
Point de vue

Le rideau est tombé. L'urne a rendu son verdict, comme dans un match de football à élimination directe. Le score importe peu, un but à zéro ou dix à zéro, le résultat est le même, sauf le goût de l'amertume pour l'éliminé, disqualifié pour le prochain tour. Le FLN va devoir retrouver une unité perdue : unité des rangs, mais aussi unité de vision. La tâche est certes ardue, les facteurs de division subsistent encore, qu'ils soient des facteurs idéels ou humains. La première question sera de savoir quel FLN nous voulons et pour quelle mission. En fonction de la réponse, l'on saura quelle équipe sera chargée de piloter le parti. Il est aujourd'hui indispensable, sinon vital, de procéder à une analyse lucide de la crise et de ses origines pour pouvoir se prémunir à l'avenir des déviations de la ligne idéologique originelle.
Le FLN sort d'une entreprise de privatisation éhontée, jamais vécue depuis sa création, d'une maladie infantile de culte de la personnalité de l'ancien secrétaire général et d'un monopole interne de la parole annihilant tout débat de fond sur les questions doctrinales et programmatiques.
A avoir trop éludé le débat et tergiversé sur les décisions méthodologiques, le FLN a été dénaturé, falsifié dans ses fondements et travesti dans son discours. La pérennité du FLN passe par un retour sans aucune nostalgie, à ses actes fondateurs, la Déclaration du 1er Novembre et la plateforme de la Soummam. Il doit retrouver son âme et ses valeurs qui lui ont permis de bénéficier d'une large adhésion des citoyens par le passé tant qu'il se faisait le porte-drapeau des aspirations et le porte-parole des revendications des Algériens. Nous sommes conscients qu'il est difficile de retrouver ses marques après une longue période de délitement, de dégénérescence, de compromissions et parfois de reniement. Les appétits de pouvoir de certains ont ainsi fait du FLN un parti inqualifiable et inclassable sur l'échiquier politique national, un magma de personnes qu'aucune idée, aucune doctrine, aucun idéal ne rapproche sinon, pour la majorité, un affect particulier pour le sigle.
Le FLN doit cesser sa dérive pour redevenir, sphinx renaissant de ses cendres, le grand parti populaire ancré dans les valeurs nationalistes et patriotiques qu'il a été, républicain dans sa démarche, démocratique dans ses pratiques internes et son positionnement politique, moderniste dans sa vision, son approche et son projet de société, humaniste et universaliste dans sa compréhension du monde, défenseur et héraut de la citoyenneté. Il devra nécessairement retrouver son discours social de défense des droits des travailleurs, du monde paysan et des couches les plus défavorisées et les plus fragiles de la société, discours que ses dirigeants récents ont abandonné pour se consacrer uniquement à draguer les nouveaux riches issus de l'affairisme, de la corruption et autres trafics, leur servant de machine à laver et d'intermédiaires auprès des pouvoirs publics. Pour ce faire, il nous faudra conceptualiser et théoriser la doctrine du FLN et en faire une charte écrite, socle de tout programme politique, électoral ou de gouvernement, à charge pour sa future direction de négocier avec les gouvernements actuel et futurs une base minimale à partir de ce programme pour tout soutien ou toute participation à l'exécutif.
Les programmes, politique, économique, social, culturel, etc. se déclineront en accord avec cette doctrine. Ceux-ci tiendront évidemment compte des évolutions de la société et des impératifs du moment. Le FLN a omis depuis 1996, date de son retour aux affaires en participant au gouvernement sous le règne du président Zeroual, qu'il fallait négocier le programme et non uniquement le nombre de portefeuilles ministériels et les noms des personnes proposées. Et il a fini par oublier son identité intrinsèque et ses objectifs, confondant le programme présidentiel et le sien et s'appropriant le bilan d'un gouvernement multipartisan qu'il ne dirige pas. On dit que les crises sont le moteur de l'histoire, le parti sortira de celle qu'il a vécu récemment plus soudé et plus fort. Aussi bien dans l'aile qui a réussi à destituer l'ancien secrétaire général que dans celle qui l'a soutenu, il existe un grand nombre de militants imbus des idéaux du FLN, comme coexistent dans l'une et l'autre des opportunistes, des arrivistes et aussi leur lot d'extrémistes, avec une proportion plus grande, bien sûr, dans ce qui a été la cour de l'ancien maître de céans. Il s'agira pour les premiers de se reconnaître et de se retrouver dans une seule tranchée pour mener le même combat après que le temps eu fait son œuvre, que les passions se soient éteintes et les rancœurs estompées.
Nous avons un peu moins de deux ans pour reconstruire sur le plan organique un parti livré à des féodalités locales qui ont poussé vers la sortie les militants les plus propres et les plus réfractaires à l'allégeance, qui ont verrouillé l'accès à des vagues de jeunes, notamment les universitaires et diplômés. Vingt-deux mois pour extirper la violence physique érigée en méthode de gestion et d'embrigadement afin de faire taire les voix de ceux qui ne voulaient pas se prosterner devant l'autoproclamé zaïm et avaliser ses décisions erratiques, et qui refusaient l'inexorable descente aux enfers de leur parti, cette violence physique qui s'est exercée aussi bien contre les militants dans les structures locales qu'au plus haut niveau de la hiérarchie. Il ne faudra pas occulter aussi le fait que cette violence ait été instrumentalisée contre les autres formations politiques lors des deux derniers scrutins. Elle rappelle tristement celle utilisée par les hordes fascistes du FIS entre 1990 et 1992, qui fut la matrice du terrorisme.
Si nous ne prenons pas garde, elle deviendra le seul mode d'expression dans un champ politique où le plus fort dictera sa loi et poussera ses concurrents, sur lesquels il déteindra, à adopter son style et son modus operandi.
Réintroduire les règles de la morale et de l'éthique en politique est avant tout de la responsabilité du FLN et de ses dirigeants. Il est impératif de bannir la violence, de définir les rapports entre l'argent et le politique, de réhabiliter le sens du militantisme au service d'une cause, d'accepter l'arbitrage des électeurs, de respecter les autres formations politiques, de protéger l'islam de la politique, des politiciens et des mouvements sectaires importés du Moyen-Orient. Ce sont là quelques principes basiques à codifier en ligne de conduite pour pouvoir participer à l'édification d'une société apaisée, réconciliée avec elle-même.


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