En temps de crise, les monnaies vont souvent en guerre. Dans sa dernière note de conjoncture, présentée récemment par le gouverneur, la Banque d'Algérie (BA) faisait état «d'une volatilité accrue des cours de change des principales devises», au cours du second semestre de l'année écoulée. Pour y faire face, la BA, fidèle à sa doctrine de flottement dirigé, indique que son intervention sur le marché interbancaire des changes a permis «d'atténuer l'impact de cette volatilité sur l'économie nationale». Depuis, l'instabilité des marchés de change s'est sans doute aggravée, sous l'effet de petites «guéguerres» de monnaies que se livrent, ces quelques dernières semaines, les grandes puissances économiques mondiales. Croissance en berne à l'intérieur et ruées acharnées pour des gains de compétitivité à l'extérieur. Ce sont là deux des principaux ingrédients qui alimentent souvent la recette, vieille comme la globalisation, de la guerre des monnaies. En termes plus simples, les grandes économies de la planète, confrontées à un ralentissement durable de leur croissance intérieure, ne peuvent re-booster leur machine par une stimulation de la consommation interne. Cette croissance, elles vont donc la chercher naturellement à l'extérieur grâce à leur fort potentiel d'exportation. Les pays riches se disputent ainsi les uns aux autres de petits gains de compétitivité extérieure pour relancer leur croissance. Et quand ces petites luttes deviennent exacerbées, ils n'hésitent pas à jouer, même abusivement, sur leur monnaie en les poussant à se dévaluer afin de rendre notamment leurs produits moins chers et donc plus compétitifs à l'extérieur. Ces dernières semaines, c'est surtout le nouveau gouvernement japonais qui n'a pas hésité à desserrer sa politique monétaire pour faire chuter la valeur de sa devise, ouvrant ainsi la voie à l'exacerbation de la guerre de la monnaie. En face, la Chine est déjà une habituée de la dévaluation artificielle, tandis que les Etats-Unis jouent ouvertement sur les taux directeurs pour rendre le dollar moins fort en injectant des liquidités sur le marché. L'Europe, elle, se confine dans des polémiques sur la valeur de l'euro ; l'Allemagne défendant bec et ongles l'euro fort, alors que la France, en mal de compétitivité, conteste «une surévaluation» de la monnaie unique. Impact sur les importations algériennes Au-delà des divergences politiques entre dirigeants européens, l'euro est-il donc réellement surévalué ? Il l'est dans une certaine mesure, nous explique Mathilde Lemoine, économiste française. Selon notre interlocutrice, les mesures monétaires inconsidérées que favorisent actuellement certains pays pour attirer les capitaux risquent fort d'alimenter une grave instabilité de l'économie mondiale. En faisant référence à la forte volatilité des monnaies principales, la Banque d'Algérie mettait surtout en relief la nécessité d'en limiter l'impact sur la valeur des importations et la stabilité des prix intérieurs. De la zone euro, avec laquelle elle commerce énormément, l'Algérie risque ainsi d'importer de l'inflation, du fait d'un euro surévalué. «Les fortes fluctuations de change ont surtout un impact sur la valeur de nos importations», nous explique un économiste de la Banque d'Algérie. S'agissant de la parité du dinar en elle-même, l'impact d'une guerre des monnaies est marginal, selon notre interlocuteur. C'est que la BA ne s'écarte jamais de sa doctrine de flottement dirigé et de stabilisation du taux de change effectif. La volatilité des devises principales «a toujours un petit impact sur le taux de change local», mais la Banque centrale en tient régulièrement compte «pour diriger» la parité de sa monnaie, à travers un calcul de «taux croisés» pour aboutir à un taux cible du dinar, nous précise encore l'économiste de la BA. En clair, la Banque d'Algérie, en sa qualité d'offreur de devises, joue justement sur cette offre pour empêcher surtout les importations de s'emballer. Reste que si l'économie de la planète sombre dans une forte instabilité, l'économie algérienne, qui n'offre aucune compétitivité hors hydrocarbures, risque à coup sûr d'en subir les fâcheuses conséquences.