L'Irak, c'est plus qu'une évidence, s'enfonce dans la violence. Il en est une autre qui aggraverait la première, c'est le blocage des institutions politique et parlementaire, certainement une première dans le monde puisqu'elles n'ont pas été mises en place. Normal, dira t-on, où l'on ne sait plus s'il faut appliquer à la lettre la règle de la démocratie, en vertu de laquelle, le parti majoritaire exerce le pouvoir, ou alors réunir un consensus pour que le pays puisse trouver stabilité et sérénité. L'Irak depuis son invasion par l'armée américaine ne dispose ni de l'une, ni de l'autre. Les élections tant vantées ont conduit à l'impasse avec, en réserve pour chaque communauté, la menace de se séparer des autres comme elles en sont accusées. Et la paralysie actuelle risque d'être la voie, mais certainement pas la solution pour ce pays menacé ou pire en guerre civile. C'est ainsi que la réunion du parlement irakien prévue pour hier a été reportée de « quelques jours » pour permettre aux groupes politiques d'avoir plus de consultations, a annoncé dimanche le député chiite Bassem Charif. « Nous avons décidé de reporter de quelques jours la réunion du Parlement pour permettre aux groupes politiques d'avoir plus de réunions et d'intensifier leurs efforts en vue d'un accord sur les postes importants à la tête de l'Etat », a déclaré M. Charif. Il a fait cette déclaration à l'issue d'une réunion des groupes politiques autour du président Jalal Talabani. Le député n'a pas avancé de date pour la nouvelle réunion. Ce report a été confirmé par un communiqué du bureau du président Talabani, citant le président provisoire du Parlement, le sunnite Adnane Pachachi. La réunion avait été convoquée pour hier par M. Pachachi en sa qualité de doyen d'âge de cette Assemblée, élue il y a quatre mois, dans l'intention d'inciter les groupes politiques à trouver un accord sur la répartition des postes importants. Il s'agit des postes du chef de l'Etat et de deux vice-présidents, du Premier ministre et de ses deux adjoints et du président et des deux vice-présidents du Parlement. Or des députés sunnite et kurde ont estimé difficile dimanche matin un accord sur la répartition de ces postes, notamment celui du Premier ministre. La candidature de l'actuel Premier ministre, le chiite Ibrahim Jaâfari, qui est contestée par les sunnites et les Kurdes est le principal point de divergence qui empêche la formation d'un gouvernement. Quant au groupe parlementaire chiite, il s'est élevé contre la candidature du sunnite Tarek Al Hachimi à la présidence du Parlement, a indiqué hier un député kurde, estimant que cela compliquait la recherche d'un accord politique sur les nominations à la tête de l'Etat. « La crise s'est approfondie », a estimé Mahmoud Osmane dans une déclaration, soulignant qu'« il n'y a pas encore d'accord sur la candidature de Ibrahim Jaâfari à sa propre succession ». « L'autre problème est que la liste chiite s'oppose à la candidature de M. Hachimi au poste de président de l'Assemblée », a-t-il ajouté, précisant qu'« il y a encore de nombreux problèmes à résoudre » et qu'il ne voit pas « comment ils peuvent être résolus rapidement ». La candidature de M. Hachimi, chef du Parti islamique, a été présentée par le bloc sunnite du Front de la Concorde, représenté par 44 députés sur les 275 du Parlement. Le blocage est accompagné cette fois d'aveu. Les tractations semblent en effet bien terminées du moins entre Irakiens parce qu'il ne faut pas exclure des pressions extérieures, des Américains notamment, qui appellent à la réunion d'un consensus. Plus de majorité, ou de règle de la démocratie. Il faut absolument sortir de ce qui risque d'être un pétrin, ou encore au fond de la fameuse Boîte de Pandore. Et ce n'est certainement pas le procès de Saddam Hussein et de ses coaccusés, jugés dans l'affaire du massacre de villageois chiites, qui procurera la solution à tous ces problèmes. Celui-ci a été ajourné au 19 avril, à l'issue d'une audience tenue hier, a annoncé le Haut Tribunal pénal irakien. Le juge Raouf Rachid Abdel Rahamane a justifié sa décision par la nécessité de donner du temps aux experts chargés d'authentifier les signatures des accusés pour finir leur travail. Quant à la violence, rien ne semble l'arrêter. Quatre personnes ont été tuées et douze blessées dans une série d'attaques en Irak hier, selon une source de sécurité. Des hommes armés ont attaqué à l'aube un poste de police du quartier sunnite d'Adhamiyah à Baghdad, tuant une personne et blessant cinq autres dans les échanges de tirs, a déclaré cette source. D'autre part, une bombe a explosé place Nasr, dans le centre de Baghdad, au passage d'un convoi de l'armée irakienne, tuant un civil et blessant trois personnes, dont un soldat. A Kirkouk, à 250 km au nord de Baghdad, un civil a été tué et deux blessées dans une attaque armée, tandis qu'un berger a subi le même mort dans l'explosion d'une bombe au nord de la ville, qui a blessé deux personnes. Le corps d'un Kurde travaillant pour l'armée américaine, enlevé il y a dix jours, a été retrouvé à Kirkouk également selon la police. Pendant ce temps à Baghdad, dans le quartier hautement sécurisés de la ligne de démarcation, des hommes se battent pour le pouvoir. Normal dira-t-on, pour tous ceux qui en ont été exclus et opprimés par un régime hégémonique.