La politique de subvention des produits alimentaires, de l'énergie ou de certains services, telle que menée actuellement, pose un réel problème d'équité sociale. C'est ce que pense, dans cet entretien, l'économiste M'hamed Hamidouche. Pour lui, l'incidence négative sur la production est évidente et inéluctable tant que les subventions profitent aux cercles mafieux et n'encouragent ni la productivité ni la rationalité dans la consommation. - Comment se décline la nomenclature des subventions dans les structures d'une économie ?
Généralement, on trouve trois types de subventions. Il y a celles destinées à l'Etat et qui proviennent de l'étranger pour contribuer à l'équilibre des budgets, de la balance des paiements, ou pour que l'Etat les redistribue aux entreprises ou les ménages. Il y a les subventions destinées aux entreprises et, enfin, celles devant profiter aux ménages. Ces dernières concernent généralement une certaine couche sociale, plus ou moins démunie, qui arrive difficilement à subvenir à certains besoins de consommation.
- Pourquoi le FMI et la Banque mondiale s'intéressent-ils de si près aux systèmes des subventions ?
Certaines institutions internationales, comme le FMI ou la Banque mondiale, s'intéressent aux subventions d'un pays pour voir quelles en sont les conséquences sur son économie. Le problème concerne beaucoup plus les formes sous lesquelles ces subventions sont conduites. Chez nous, dans les différentes lois des finances, on retrouve une multitude de fonds, dont le nombre dépasse 90, et à travers lesquels transitent les différentes subventions directes ou indirectes. Souvent, le FMI ou la Banque mondiale constatent, lors des analyses qu'ils font des indicateurs macroéconomiques, que ces subventions dépassent les 10% du PIB, ce qui représente beaucoup à leurs yeux.
- Y a-t-il une norme à respecter en la matière ?
Pour ne prendre que le secteur de l'agriculture, toute une guerre a éclaté à cause des subventions qui lui sont destinées. Aujourd'hui, dans beaucoup de pays, ces subventions ne dépassent pas 2 à 3% du PIB. Quant aux subventions destinées aux populations, on retrouve plusieurs formes entre celles qui sont indirectes ou directes. Aux Etats-Unis par exemple, ce genre de subvention n'existe pas du tout. En France, la subvention sociale existe beaucoup plus sous forme de mutuelles.
- Beaucoup pensent que les subventions, chez nous, sont mal orientées…
Effectivement, la subvention directe qui touche les céréales (pour la fabrication du pain) et le lait pose un problème d'équité, en ce sens qu'elle fait profiter les gens riches au même titre que les démunis. Elle a également une incidence négative sur la production. Les chiffres de la production céréalière et des importations montrent que les besoins réels pour la fabrication du pain représentent seulement 6% des quantités mises sur le marché, alors que c'est la totalité qui est subventionnée. On a également déstructuré la filière lait avec les subventions destinées à ce produit. Tout le monde sait aujourd'hui que la contrebande, l'informel et les marchés des pays voisins sont alimentés par nos produits subventionnés.
- Qu'en est-il des énergies ?
Cela fait partie des produits ou services dont les prix sont fixés par textes réglementaires. Il s'agit du gaz, des carburants, de l'électricité et l'eau. Ces textes n'ont pas changé depuis des années, alors que le contexte économique est dynamique et évolue d'une période à une autre. Et pour éviter que ce problème fasse l'objet de toute manipulation politique, il faudrait qu'il y ait une autorité de régulation chargée de fixer les prix sur la base de critères et de conditions bien définis. Maintenant, si l'Etat veut faire du social, il doit d'abord pratiquer les prix réels sur le marché pour que le consommateur adopte un comportement rationnel et subventionner, ensuite, les ménages défavorisés.
- Que faudrait-il faire alors ?
Si on veut réellement aider les démunis, la subvention doit être en numéraire et destinée exclusivement à eux, à condition qu'ils soient bien identifiés bien sûr. Il faudrait qu'on arrive à instaurer le sérieux dans l'octroi de ces subventions car, actuellement, ce sont les cercles mafieux qui en bénéficient. Il a même été proposé aux pouvoirs publics de créer, comme cela se fait en France, une caisse d'allocations familiales qui aura pour rôle d'attribuer en numéraire les subventions aux familles démunies. Pour certains produits, au lieu d'opter pour une subvention directe, l'on devrait adopter une fiscalité souple qui permet de faire baisser les prix en baissant les taxes.