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"C'est le coup le plus dur porté à la Syrie depuis la guerre d'Octobre 1973" Talal El Atrache. Journaliste syrien et coauteur de Quand la Syrie s'éveillera*
- Quelle lecture faites-vous des récentes attaques israéliennes contre la Syrie ? Si on regarde bien les pays qui forment «les amis de la Syrie», on se rend vite compte qu'il s'agit de pays pro-USA et pro-Israël. On a décidé d'armer l'opposition et elle est donc sortie des mains des Syriens, un tiers des 120 000 combattants rebelles sont des djihadistes étrangers qui luttent pour leur propre idéologie, instrumentalisés par les pétro-monarchies. Le conflit a évolué de confrontations entre la population et le pouvoir en place pour revendiquer la démocratie en un conflit sunnites-chiites puis en un conflit international avec des puissances étrangères derrière, les Atlantistes face aux puissances émergentes. Au sein de tout cela, il y a l'extension de la guerre israélo-arabe. La déstabilisation du régime syrien, de l'Etat syrien, comme entité unie, noyau du «Front du refus» face à Israël, profite à plusieurs parties, comme Israël, les Etats-Unis, etc.
- Quel a été le véritable objectif de ces frappes ?
Israël a profité du chaos actuel en Syrie, de la guerre dans laquelle est enlisée l'armée syrienne et de la faiblesse relative de la Syrie pour mener ces frappes au nom de sa guerre contre le Hezbollah. Or, je ne pense pas que cela a un lien direct avec le Hezbollah, car on parlait d'armes acheminées vers le Hezbollah, mais je ne vois pas du tout comment des armes destinées à la résistance libanaise seraient justement entreposées au sein du Bataillon 105 de la Garde républicaine qui est censée protéger la capitale, Damas ! ça ne tient pas du tout. Ce qui a été vraiment visé, c'est la garde prétorienne de l'armée syrienne, des unités d'élite installées dans trois bases qui n'ont pas été encore mobilisées. C'était une frappe très stratégique pour Israël et le coup le plus dur porté à la Syrie depuis quarante ans, depuis la guerre d'Octobre 1973.
- Y aura-t-il une réplique syrienne ? Sous quelle forme ? La Syrie va répondre en changeant complétement sa stratégie. L'accord de cessez-le-feu signé entre la Syrie et Israël en 1974, qui a établi finalement les règles du jeu, qui a instauré une situation où la frontière syrienne avec Israël a été la plus sûre et la plus bouclée de toutes les autres frontières arabes, ce cessez-le-feu est maintenant caduc. Rien n'empêche dorénavant d'ouvrir le front du Golan à la résistance, un peu sur le modèle du Hezbollah au Liban-Sud, et surtout continuer l'acheminement d'armes plus sophistiquées au Hezbollah. On connaît la force de dissuasion du Hezbollah qui a les moyens de tenir tête à Israël. Cette résistance sera renforcée, aujourd'hui, face aux violations répétées d'Israël des territoires syrien et libanais, et il s'agit, aux yeux des Syriens, d'une réponse légitime à la violation du cessez-le-feu. * Editions Perrin, France, 2011