La communauté universitaire nationale fut choquée, en ce jeudi 8 mai 2011, par la nouvelle de la perte cruelle d'Aïcha Ghettas, brillante chercheuse et professeur d'histoire à l'université d'Alger. Les membres de sa famille, ses collègues et ses étudiants l'ont accompagnée, la mort dans l'âme, à sa dernière demeure dans sa ville natale, Berrouaghia. Sa famille, fidèle à l'esprit de leur défunte fille, vient de célébrer, de manière unique, originale et inédite dans les mœurs universitaires algériennes, le deuxième anniversaire de ce douloureux événement, en faisant don du contenu (2000 ouvrages) de la bibliothèque personnelle de Aïcha Ghettas, à la bibliothèque universitaire. Née le 20 décembre 1955, brillante dès le primaire, elle fut classée première au niveau primaire de la wilaya de Médéa. Elle poursuit des études secondaires au lycée de Médéa, au nom emblématique de Mohamed Bencheneb. Inscrite à l'université d'Alger pour une licence d'histoire, élève de Moulay Belhamissi, elle sort major de sa promotion. En 1986, elle soutient une thèse de magistère sur «Les relations algéro-françaises au XVIIe siècle.» En 2002, elle obtint son doctorat d'Etat après une brillante soutenance : «Métiers et artisans à Alger de 1700 à 1830, approche socio-économique.» En 2008, elle fut promue au grade de Professeur de l'enseignement supérieur. Ses contributions scientifiques dans des revues nationales et internationales (Revue d'histoire maghrébine, Insaniyat, Fondation Temimi, Arab historical review of ottoman studies …), avec sa parfaite maîtrise de la langue arabe et française, lui donnaient une aisance d'investigation scientifique dans les fonds documentaires du XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, y compris anglais et turques, qui intéressaient son champ de recherche, en encourageant ses étudiants à en assurer la continuité dans des thèses de magistère et de doctorat : mœurs, héritage, costumes, hammam, bijoux, vie des savants, rites musulmans, maladies, questions matrimoniales, hadj, waqf… Les intitulés de quelques travaux de la chercheuse montrent qu'elle était devenue une des rares spécialistes de la période ottomane et de l'histoire économique, sociale et culturelle algérienne à partir du XVIe siècle : Commerçants maghrébins dans la ville d'Alger à l'époque ottomane, d'après les archives du Consulat de France à Alger, Négociants algériens de 1686 à 1830 à partir des registres du Consulat de France à Alger, Etat sanitaire et conditions de vie en Algérie vers la fin de l'époque ottomane, Deux documents inédits relatifs au célèbre Raïs Hamidou. Sa recherche centrée sur l'histoire de la ville d'Alger, la place des femmes, le rôle des corporations professionnelles et des communautés religieuses atteste d'une volonté de rendre compte de la richesse active et cosmopolite de la capitale algérienne, sans pour autant être rigoureuse dans sa démarche académique : Le regard d'un captif anglais sur Alger durant la première moitié du XVIIe siècle, Métiers, fortunes et familles à Alger à l'époque ottomane, Les Berranis à Alger, Les registres des Mahakim shariaa et leur importance pour l'histoire économique et sociale de la ville d'Alger, Contribution de la femme dans les biens habous dans la Médina d'Alger, La Médina d'Alger : institutions et gestion urbaine à l'époque ottomane, De nouveaux éclairages sur les juifs à Alger à l'époque ottomane à partir des documents de la Mahakama sha'ria. Ses collègues, les chercheurs en sciences sociales et humaines, algériens et étrangers, ses étudiant(e)s, magistérants et doctorants, garderont toujours d'elle l'image d'une intellectuelle algérienne, alliant la grâce d'une fille du Titteri, la modestie des chercheurs en histoire et la volonté de la transmission de cet intérêt particulier et instructif des études universitaires sur la période précoloniale.