Elle n'était peut-être pas au top de ses capacités vocales, mais la prestation de la chanteuse Zakia Kara Terki a séduit un public connaisseur venu spécialement pour elle dimanche soir à l'auditorium de l'université USTO Mohamed Boudiaf, une belle salle polyvalente dotée d'une acoustique acceptable. La chanteuse du genre andalou était invitée par l'Institut Cervantes qui venait de clore une semaine culturelle ibérique à Oran, un clin d'œil à un pan d'histoire commune entre les deux régions du monde. Zakia Kara Terki était sans doute tellement heureuse de retrouver un public de l'ouest du pays qui a su lui donner des répliques. Entourée de cinq musiciens, un violon, un luth, un clavier, un tar et une derbouka, la femme à la kouitra, un instrument (4 cordes doublées dans les basses) « typiquement algérien », précisera-t-elle, devait entamer son show par la nouba ghrib et le nesraf saat hania puis lekhalas : billah ouhawar, etc. Son concert aura finalement duré plus de deux heures où elle devait alterner noubas et chants hawzi, celui développé par les écoles de Tlemcen, particulièrement apprécié à l'Ouest où on a dansé sur des chants liturgiques louant le Prophète. Beaucoup d'amour aussi dans les textes choisis : « Au lieu de me limiter à ce qui était prévu, j'ai voulu, en remarquant que beaucoup chantaient avec moi, faire plaisir au public », devait-elle préciser à l'issue de son spectacle marqué par des temps forts appréciés. Elle venait juste de rentrer avec son grand orchestre (il a été réduit pour la circonstance) d'une grande tournée qui l'a menée de la Tunisie (Sidi Boussaïd) au Sud algérien. D'où l'exténuation qui a dû déteindre sur sa voix ce soir là, mais qui n'a pas altéré son timbre particulier qu'on découvre dans ces quatre enregistrements dont le dernier est consacré à la nouba ghrib. Dans le prochain, elle interprétera la nouba raml. A cheval entre les écoles de Tlemcen et d'Alger, Zakia Kara Terki a fait ses premiers pas dans sa ville natale à l'âge de 8 ans au sein de l'association Benzerdjeb. Partie à Alger en 1978, elle sera marquée par le maître Hamidou Djaidikh après un passage à El moussiliya et Lefkhardjia. « C'est lui qui m'a prédit un avenir prometteur dans le domaine », se remémore-t-elle avec affection et beaucoup de modestie. En effet, dès 1996, elle fonde son propre orchestre, enregistre et part en tournée. Le plus mémorable pour elle reste son passage à New York. Elle a été sélectionnée ici par les Américains qui avaient organisé une sorte de festival des musiques méditerranéennes. « Je devais, comme tout le monde, passer sur scène pour 40 mn, mais le public était tellement encourageant qu'on m'a laissée chanter pendant 3 heures en tout », se souvient-elle en attendant d'autres victoires de la musique.