Les chambres froides sont subitement vides de cette baie des oasis, cela est dû, pour certains à une production insuffisante, et donc à une spéculation entre acteurs de la filière et autres informels, a fortiori à l'approche du mois sacré ; pour d'autres à une douteuse exportation vers la Tunisie. Amoins d'un mois du Ramadhan durant lequel les dattes sont extrêmement prisées par les consommateurs, les chambres froides et les entrepôts dévolus à ce fruit des oasis sont pratiquement vides, des dizaines de camions semi-remorques, immatriculés à Tébessa et Maghnia, chargés de dattes en vrac, ont été vus en train de quitter la wilaya de Biskra vers les frontières est et ouest du pays ; la filière phoenicicole est bloquée du fait d'un monopole exercé par certains groupes d'intérêts faisant dans la rétention des informations et le bradage des dattes algériennes au profit d'opérateurs étrangers, est-il indiqué dans un rapport de la commission chargée du marché des dattes de la chambre du commerce et de l'industrie (CCI) de Biskra. A Tolga, Foughala, Lioua, Bordj Ben Azzouz, Lichana, Doucen, Ouled Djellel ou Sidi Khaled, communes des Ziban réputées pour l'excellence de leur production de dattes, les producteurs auraient tout écoulé en un temps record. Est-ce à dire que le marché des dattes risque de connaître une flambée du fait de la rareté du produit et de la forte demande attendue au mois de jeûne ? La filière tunisienne pointée du doigt Abdelmadjid Khobzi, président de la CCI des Ziban, en est convaincu. « Cette année, les dattes et particulièrement la Deglet Nour, seront rares et les prix vont connaître des sommets jamais atteints jusque-là. En temps qu'acteur du développement local ayant pour objectif le développement et la promotion des produits nationaux, notamment de la datte, nous avons prospecté le marché des dattes de Biskra afin de satisfaire la demande de pays étrangers européens et asiatiques, mais quelle fut notre surprise en constatant que les producteurs de dattes ne pouvaient pas satisfaire nos commandes. Je suspecte la filière tunisienne d'être derrière cette pénurie de dattes touchant la wilaya de Biskra», confie-t-il. Signalant que les dattes algériennes sont exportées en Tunisie, conditionnées et revendues à la Libye de manière frauduleuse, il compte bien saisir le ministère du Commerce pour qu'une enquête approfondie soit ouverte afin de déterminer de quelle manière la production de Deglet Nour de Biskra s'est évaporée comme un glaçon au soleil, s'interroge-t-il. Il exhorte, en outre, les consommateurs nationaux à se rabattre sur les autres variétés de dattes pour satisfaire leur fringale. «Il existe, rien qu'a Biskra, 360 variétés de dattes dont les vertus, la douceur et le goût ont été jetés aux oubliettes pour des considérations purement mercantiles et à qui il est absolument primordial de redonner vie pour redynamiser la filière phoenicicole et en multiplier les débouchés», propose notre interlocuteur. Se mettant en porte-à-faux des constatations de la commission de la CCI de Biskra et des déclarations du président de cette instance, Youcef Ghemri, président de l'association des conditionneurs et exportateurs de dattes, est d'avis que «la filière tunisienne évoquée par certains pour expliquer la pénurie de dattes est une lubie et une aberration économique qu'aucun producteur ou exportateur de dattes ne peut cautionner». Une production plutôt insuffisante Tout en reconnaissant qu'il y a peut-être une petite quantité de datte sortie clandestinement du pays, il explique que la Deglet Nour est essentiellement consommée par les Algériens car elle voyage mal et son prix de revient actuel est prohibitif pour les étrangers qui préfèrent d'autres variétés moins chères et moins sensibles aux aléas du transport. «Si les chambres froides de Biskra sont vides, allez voir ceux du nord et de l'ouest du pays qui débordent de dattes en prévision du Ramadhan», rétorque-t-il, avant de préciser que des commerçants des 48 wilayas du pays viennent s'approvisionner en dattes à Biskra et qu'il n'est pas dans ses attributions de contrôler leurs destinations, étant donné que cela est la mission des services des douanes avec lesquels «la collaboration est étroite, transparente et respectueuse de la légalité», selon ses propres mots. Offusqué par le rapport de la CCI, il ajoutera que les opérateurs de la filière sont rompus à ce commerce et les producteurs de dattes sont plus pragmatiques que ne le pensent certains. «De plus, peu leur chaut la nationalité ou la qualité du client pourvu qu'ils rentrent dans leurs frais et qu'ils écoulent leur production de dattes le plus rapidement possible», précisera-t-il. Estimant que l'état de déshérence des chambres froides de Biskra, six mois après la fin de la saison des récoltes, est plus un signe de bonne santé économique que les conséquences d'un quelconque trafic ayant touché les dattes des Ziban, Y. Ghemri prône, à l'instar de tous les acteurs de la filière, de poursuivre les efforts pour multiplier les périmètres phoenicicoles afin de satisfaire la demande en dattes de plus en plus forte. En effet, négociants locaux, conditionneurs, transformateurs, exportateurs et opérateurs économiques de tous acabits veulent leur part de dattes mais apparemment il n'y en a pas pour tous.