En dix chansons, le groupe targui, Imrhan Tinzraf, a permis au public du Festival de la musique diwan d'apprécier un style musical à la mode dans la région sahélo-saharienne, l'Asouf. Béchar De notre envoyé spécial Imrhan Tinezraf de Tamanrasset est venu à Béchar parler l'Asouf. Ce n'est pas une nouvelle langue, mais un style sahélo-targui en vogue actuellement dans le Grand Sud. Un style rendu célèbre par le groupe malien Tinariwen. Lundi soir, au stade Enasr de Béchar, le groupe de l'Ahaggar, dont le nom signifie en tamahaq «Les amis du désert», a été le grand invité du 7e Festival national de la musique diwan. Dans la matinée, à la maison de la culture de la capitale de la Saoura, le chercheur Dida Badi a présenté, avec les mots qu'il faut, la musique targuie, ses instruments, ses codes et ses expressions. Le soir, le public a pu découvrir la forme contemporaine de cette musique, l'Asouf. Un style bâti sur les percussions et la guitare électrique que partagent l'Algérie et le Mali. «Pour faire connaître notre musique, il ne faut pas se limiter à un instrument ou deux. Il faut s'ouvrir sur le monde, bien choisir ses paroles et sa musique. L'essentiel est de faire passer le message, l'idée», nous a déclaré Ilyad Ag Ibrahim, leader de Imrhan Tinezraf. Il a précisé que le groupe aborde tous les sujets dans ses chansons, notamment la situation sociale. «Ce soir, nous avons présenté de nouvelles chansons. Des titres que nous espérons mettre dans notre prochain album. Notre souhait est de pouvoir sortir l'album cette année. En 2012, nous avons produit en Italie un album live. Il est disponible sur Youtube et sur Facebook», a-t-il ajouté. Selon lui, Tinariwen est l'exemple musical à suivre. «Ce groupe a montré la voix dans le style asouf. Nous avons été influencés par leur travail artistique. Cela dit, nous n'allons pas faire du copier/coller. Tinariwen ont leurs idées et leur cause. Ce n'est pas forcément ce que nous défendons. Nous avons nos propres préoccupations. Imrhan Tinezraf aspire à être connu dans son pays avant de l'être ailleurs. Nous avons déjà animé des concerts à Alger, Batna, Béjaïa, Médéa et Tamanrasset. Nous voulons continuer pour que le public algérien découvre davantage ce que nous faisons», a souligné Ilyad Ag Ibrahim. Autre spectacle de qualité, celui du groupe Hna Msalmin d'Aïn Sefra, en compétition officielle. Mené par Mohamed Rahmani, le groupe, composé des membres d'une même famille, a présenté une série de bradj, Laâfou, Baba Hamou et Daoua. «Nous avons enchaîné un bordj haoussa et bambara. Nous avons voulu rendre hommage aux cinq principales tribus du diwan, à savoir : Wlad Bambra, Wlad Haoussa, Wlad Boussou, Wlad Seygou et Wlad Milka. Il y a ensuite les Foulen, des Arabes qui ont rejoint le diwan, représentés par la dernière troupe de Tafilelt au Maroc. Ce que nous faisons est la continuité de ce qu'ont fait nos pères. Nous sommes passés de l'amateurisme au professionnel à partir de 2000», a précisé Lemkadem Mohamed Rahmani. Les tenues de Hna Msalmin étaient censées représenter les cinq tribus du diwan (gnawi). Lemkadem portait une tenue de couleur rouge. «Ma propre tenue représente le flambeau de toutes les autres tribus. Je porte le turban de mon grand-père. Notre message est de sauvegarder le patrimoine diwan», a-t-il insisté, regrettant l'absence de la «bekhara» qualifiée d'«instrument spirituel» du diwan. «C'est notre permis de conduire. Sans la ‘‘bekhara'', on ne peut pas avancer», a-t-il appuyé. Hna Msalmin a déjà présenté des spectacles en Belgique, aux Pays-Bas et au Luxembourg. «Nous avons également participé au Festival Sultan Ahmed en Turquie, assuré l'ouverture de la première édition du Festival international de la musique diwan d'Alger et participé au dernier Festival de la danse africaine à Tizi Ouzou», a ajouté Mohamed Rahmani. Ahl Diwan de Mohammadia (Mascara) a précédé Hna Msalmin sur scène. Comme le veut la tradition, le kouyou était présent accompagné de tbel. «Nous avons interprété des bradj comme Hamou, Makatchné et Séo. Par le passé, quelqu'un avait dit que Mohammadia était l'ONU du diwan. A l'échelon national, cela est bien connu. Surtout que Mohammadia a la réputation de préparer la grande waâda Sidi Blal chaque année, en été. A la fête, tout le monde est convié, notamment les grand maâlimin du diwan. La situation économique est devenue difficile. Aussi, est-il de plus en plus difficile d'assurer la régularité de la waâda. Par le passé, la waâda durait sept jours», nous a expliqué Djillali Abdelkader, leader du groupe Ahl Diwan de Mohammadia. «J'ai créé cette troupe en 2012. J'ai participé pendant plusieurs années à d'autres groupes de diwan», a-t-il ajouté. De création moins récente, Nass El Kheloua de Béchar, qui existe depuis dix ans, a présenté du diwan/fusion à base de gumbri électrifié. L'instrument a été transformé en un court temps en violon. «C'est une surprise de notre mâalem El Ayech Sebrou. C'est nouveau. Nous avons voulu rendre hommage à des maâlimin du diwan et du gnawi, comme maâlem Benaïssa ou âmi Brahim», a déclaré Noureddine Rahou, leader du groupe Nass El Kheloua, après le spectacle. «Nous préparons notre nouvel album. Il sera prêt dans deux mois. L'album renfermera des chansons du style maya, de la région de Beni Abbas. La poésie que nous avons choisie fait partie du patrimoine. Nous avons aussi l'habitude de travailler avec les poètes Ahmed Berchid et Mohamed Belaïdi», a ajouté Noureddine Rahou. Nass El Kheloua a animé plusieurs concerts en Algérie et au Maroc.