A Constantine, tous les passionnés du livre le connaissent. Bouquiniste depuis 1989, Abdelaziz Kerboua occupe toujours un petit espace au coin de la rue située entre l'artère menant vers la place de Rahbet Ledjmal et celle descendant vers le quartier d'Essayda et la rue de Sidi Bouannaba. L'un des lieux mythiques de la vieille ville de Constantine, se trouvant à quelques pas de la rue Larbi Ben M'hidi, et que certains inconditionnels de la lecture à Constantine appellent affectueusement «le quartier latin», allusion faite aux bouquinistes de Paris. «Je suis né et j'ai grandi parmi les livres dans la bibliothèque de mon père, donc cette passion demeure toujours ancrée dans mon esprit», dira-t-il. Littéralement «liseurs» Resté fidèle à cette vocation, alors qu'il aurait pu opter pour une activité plus rentable et moins contraignante, il est aujourd'hui l'un des rares «vrais» bouquinistes de la ville du Vieux Rocher qui continuent d'exercer ce dur métier. «Contrairement à ce qu'avancent certains, les gens lisent toujours, même si leur nombre s'est quelque peu réduit ces dernières années, mais la passion de la lecture demeure encore vivace», explique-t-il. Pour preuve, Abdelaziz affirme qu'il reçoit chaque jour des étudiants, des enseignants, des chercheurs, des fonctionnaires, des amateurs d'éditions rares, mais aussi des ouvriers et des gens de différentes catégories à la recherche d'un classique de la littérature, un recueil de poésie, un roman policier ou de fiction, mais aussi des ouvrages de référence pour la préparation des thèses universitaires qu'ils ne peuvent pas trouver ailleurs. «En dépit des avancées technologiques et des énormes possibilités offertes par internet, le livre demeure indétrônable et incontournable pour les gens avides de savoir et de découvertes, il se porte encore bien», révèle Abdelaziz avec optimisme. «Les lecteurs viennent ici parce qu'ils trouvent aussi leur compte, surtout que nous leur servons de relais avec ceux qui veulent vendre des livres et autres ouvrages utiles, notamment parmi les éditions rares ou épuisées», notera-t-il, tout en rappelant la dure condition des bouquinistes à Constantine. «Il y avait une quinzaine de personnes à exercer ce métier dans le passage souterrain de la place des Martyrs, mais depuis leur délocalisation, ils ont complètement disparu, aujourd'hui il ne reste plus que quatre bouquinistes dans la vieille ville», conclut-il. Ces derniers sont appelés d'ailleurs «les derniers Mohicans du livre». «Malgré toutes nos propositions de créer des kiosques, notamment place du palais du Bey, nous n'avons reçu aucune réponse des autorités qui n'ont jamais décidé d'intégrer les bouquinistes dans les projets d'aménagement urbain. Il paraît que le livre n'a jamais occupé une place de choix dans leurs plans», regrette-il.