L'absence prolongée du chef de l'Etat pour cause de maladie ne laisse pas d'autre choix aux membres du gouvernement que de multiplier les sorties sur le terrain, sacrifiant les congés et bravant la canicule qui coïncide présentement avec la période du Ramadhan. Les ministres entendent ainsi apporter, devant la population, la preuve matérielle de la continuité de l'Etat, du fonctionnement des institutions et de l'intérêt des pouvoirs publics pour les préoccupations des citoyens. Tous les dossiers sont remis sur la table et des déclarations fracassantes polarisent l'attention de l'opinion publique, dont la dernière en date fait état du détournement dans les réseaux de contrebande de 25% de la production nationale de carburant. L'hyperactivité de nos ministres a pour effet immédiat de faire oublier la question lancinante de la mise en veilleuse de la première institution du pays, la présidence de la République. L'Algérie n'est pas loin de boucler un trimestre d'absence du chef de l'Etat, toujours en convalescence à l'étranger suite à un AVC survenu le 27 avril dernier. Une Présidence aphone, quasi fantomatique, produisant des communiqués et des messages qui ne convainquent pas outre mesure l'opinion nationale ou étrangère, la situation est inédite et de plus en plus difficile à gérer. Cette mission d'urgence du gouvernement est particulièrement délicate et l'impact improbable. Mais l'occupation du terrain par l'équipe de Sellal n'a pas seulement pour but d'enrayer cette impression de vide au sommet de l'Etat généré par la longue convalescence présidentielle. A moins d'une année de l'élection présidentielle d'avril 2014, le pouvoir est face à une autre urgence, essentielle aux yeux des décideurs : celle de préparer le terrain pour rester aux commandes. Les visites à l'intérieur du pays s'inscrivent prioritairement dans la perpétuelle campagne électorale avec pour objectif le maintien au pouvoir du même personnel, ou l'alternance des clans au sein du même régime. En léthargie le long de l'année, l'administration locale est tirée de son sommeil et de son inertie pour planter en un temps record le décor de la visite officielle, où l'inspection de quelques chantiers n'est que le prétexte pour lancer des engagements avec les mêmes accents que lors des joutes électorales, à la différence près que le pouvoir joue en solo. Livrés à la bureaucratie, parfois à la corruption, les programmes de développement restent en souffrance pendant des années ou des décennies, comme c'est le cas en Kabylie ou au sud du pays. Ces retards, qui ont fait progresser dangereusement la paupérisation parmi les populations, ne peuvent pas être rattrapés en quelques jours, le temps d'une visite officielle où la halte la mieux préparée est la rencontre avec une «société civile» triée sur le volet, formatée pour être réceptive au discours officiel. Sur le terrain comme au sommet de l'Etat, l'action des institutions est immuablement basée sur le factice.