El-Oued : le Chahid du devoir national le pilote Lieutenant-Colonel Bekkouche Nasr inhumé au cimetière de Sidi-Youcef    Palestine: l'Algérie dénonce au Conseil de sécurité le "deux poids, deux mesures" dans l'application du droit international    France : Mélenchon dénonce les attaques répétées de Retailleau contre l'Algérie    M. Merad préside le lancement officiel de la plateforme numérique "Formulaires services de police"    Air Algérie et Djezzy signent un protocole d'accord pour un partenariat stratégique    Alger : plus de 235.000 arbres plantés durant la saison 2024-2025    Finances : Bouzred souligne la nécessité de poursuivre les efforts de modernisation de l'administration fiscale    Décès de la journaliste Fatima Ould Khessal : la Direction générale de la communication à la Présidence de la République présente ses condoléances    Université d'Alger 3 : création de 50 micro-entreprises pour contribuer au développement de l'économie nationale    Vers l'inscription du patrimoine archéologique de Tébessa sur la liste indicative du patrimoine mondial en Algérie    Mondial 2026: l'équipe nationale intensifie sa préparation avant le match contre Botswana    CHAN 2024: premier entraînement à effectif complet depuis le début du stage    Le FLN réaffirme son plein soutien aux positions diplomatiques judicieuses de l'Algérie    Cible principale, l'Algérie et les Algériens    Secousse tellurique de Médéa: une réplique de 4,0 degrés enregistrée    Guterres "horrifié" par la mort d'un employé de l'ONU dans une frappe sioniste contre Ghaza    Décès de Fatima Ould Khissal, ancienne journaliste et animatrice à la Radio nationale    Tournoi de la presse : Les 8es de finale lancés    A Gaborone pour la victoire...    Coupe d'Algérie 2025 (1/4 de finale) : Les dates et les stades connus    Appel à la vigilance des agriculteurs    Près de 100.000 personnes ont dû fuir des violences armées    A l'horreur s'ajoute l'asphyxie humanitaire    Près de 11 000 tonnes de produits impropres à la consommation saisies à l'Ouest    Plus de 800 g de kif traité saisis, une arrestation    Plus de 100 g de kif traité, 401 comprimés de psychotropes saisis, trois arrestations    Nadir Larbaoui préside une réunion du Gouvernement    « L'Algérie est un modèle à suivre en matière de lutte contre le terrorisme »    L'autre lutte pour le recouvrement de l'indépendance    Guelma accueille la 9e édition    Dans l'imaginaire littéraire et artistique algérien    Le documentaire "Les prisonniers algériens de Sainte-Marguerite" projeté à Alger    Mondial 2026/Botswana-Algérie: premier entraînement des Verts à Gaborone    «Loyauté envers les martyrs»    Manifestations à Washington et New York pour exiger la libération d'un étudiant miilitant palestinien    L'Algérie engagée à autonomiser les femmes et à promouvoir leurs droits politiques et sociaux        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Abd Al Rahman Jabarti, le notable et l'expédition
Grandeur et descendance
Publié dans El Watan le 11 - 05 - 2006

Je n'y étais pas, mais lui, paraît-il, se trouvait ce jour-là dans sa bibliothèque. Celle qu'il a héritée de son père et où des livres de toutes sortes veillent debout, attentifs et curieux de savoirs et de culture accumulés pendant des années.
Ce jour-là, comme à son habitude, l'homme est en train de lire, attaché à l'étude. Un peu de mathématiques et un peu d'astronomie et de philosophie. L'esprit est encyclopédique, à l'aise sur des territoires que les spécialisations finiront par cloisonner. Dehors, il fait beau, puisque Bonaparte réussit son débarquement du premier coup. Le vent était favorable à l'expédition d'Egypte qui prend de court les Egyptiens. L'homme, qui lisait dans sa bibliothèque, dispose de peu de temps pour plier bagage et se réfugier à la campagne comme beaucoup de ses compatriotes. Peu après, il reviendra chez lui, rassuré par le discours du général français qui promet de bien traiter les notables du Caire. L'Egyptien se réinstalle chez lui, nullement dérangé par l'occupation étrangère. Au contraire. Il observe et prend des notes qui feront l'objet d'une publication : Journal d'un notable du Caire durant l'expédition d'Egypte - 1798- 1801. Abd Al Rahman Al Jabarti est donc l'un de ces notables du Caire qui seront bien traités par un conquérant fidèle à ses promesses. Les Egyptiens ? Quantité négligeable. L'envahisseur ne vient fouler la terre des Pharaons que pour damer le pion aux Anglais qui, semble-t-il, y auraient des intérêts. On ne sait pas trop lesquels. La perfide Albion saura par contre défendre les siens et ne pas faire mentir l'adage qui conseille d'attaquer. La flotte française est torpillée à Aboukir, la coupant de ses arrières, tandis que sur terre, la résistance acharnée de la citadelle de Saint-Jean- d'Acre interdit l'accès vers Constantinople. L'expédition d'Egypte tourne au désastre dont le bouillonnant général parviendra tout de même à tirer des bénéfices impériaux, aidé par son charisme personnel et l'imagerie populaire. Les Egyptiens ? Ils ne devaient compter pour rien dans un événement qui pourrait bien n'être au final qu'une affaire franco-française. Le jeune pouvoir révolutionnaire avait bien tenté de donner un os à ronger à un roquet ambitieux et dangereux. C'était compter sans les dents longues du lion, général en chef des armées républicaines. Ciblant les Anglais, censée régler un problème de politique interne, l'étonnante expédition d'Egypte aurait bien pu continuer à se passer des Egyptiens, si les éditions Albin Michel n'avaient eu la bonne idée de mettre sur le marché, la traduction du livre de Abd Al Rahman Al Jabarti. Le point de vue d'un Egyptien, que personne n'avait demandé jusque-là - tant l'affaire semblait entendue du côté des historiens français -, vient à propos réaffirmer la nécessité de relativiser les points de vue en matière de vérités bonnes à dire ou à taire. Le témoignage de Jabarti est intéressant. C'est celui d'un notable qui condamne, aux côtés des ulémas, le « peuple », ces « voyous de la banlieue du Caire » qui se soulèvent contre les Français le 21 octobre 1798. Bonaparte réussit son coup en consacrant la fracture sociale entre les gens d'en bas et une élite que l'occupation militaire ne dérange pas. Le conquérant invoque le Coran, il fait creuser des canaux, il publie des journaux, il fonde un institut. Il donne l'impression de vouloir rester toute sa vie dans un pays auquel il ne veut que du bien. La baïonnette, oui ! mais aussi des géomètres, des minéralogistes, des archéologues, des dessinateurs, des mathématiciens, un poète, un seul mais bien réel. Il n'y a là que du positif. Preneur, Jabarti se fait admettre dans le cercle des envahisseurs. Il observe et prend des notes. Lorsque les Français occupent la place, l'Egyptien insiste sur leur sens de l'ordre et de l'organisation. Maître de l'espace, l'étranger en fait bon usage en lançant des chantiers, en fortifiant des murs, en laissant les musulmans pénétrer jusque dans les endroits les plus réservés d'une grande bibliothèque, la politesse et le sourire en prime. La compétence et l'efficacité font partout merveille. Dans le quartier des médecins et des physiciens, c'est encore plus merveilleux. Voilà que deux liquides bouillonnent dans un verre, et qu'après la dissipation d'une fumée de couleur, il ne reste qu'une pierre jaunâtre qui devient bleue ou rouge quand on refait l'expérience avec un autre liquide. C'est magique ! Au spectateur ébahi, le savant français propose un autre numéro ; il met sur une enclume une très petite quantité de poudre blanche et il frappe dessus d'un léger coup de marteau. C'est comme si on avait tiré un coup de carabine. Les Egyptiens sursautent. Les Français rigolent. L'élite locale ne comprend rien à ces tours de passe-passe, dignes des plus grands sorciers. C'est là qu'on peut sentir une blessure, parce qu'alors, dans son journal, le notable du Caire apparaît comme un enfant qui ne fait que prendre des notes sans chercher à comprendre. Ajâ'ib ! c'était le titre en arabe de l'ouvrage de Jabarti. C'était un bon titre. Traduit en français, Le journal d'un notable du Caire nous donne à lire une défaite. Celle-là même que Naguib Mahfûz, plus tard, mettra en ouverture de L'Impasse du mortier, devenant un Passage des miracles en langue française. Toujours se méfier des traductions et des intentions des traducteurs. Ni miracles ni passage. Dos au mur. L'Egypte millénaire est dans l'impasse. Celle où se trouvait déjà Abd Al Rahman Al Jabarti, gentiment moqué par des savants français. Le spectacle du monde change d'acteurs et d'organisateurs. Ne restent dans la salle que des spectateurs époustouflés par l'adresse des illusionnistes sur la scène du monde. Ne restent que des notes et des discours. Curieuse, j'aurais aimé savoir ce que Jabarti lisait au moment du débarquement français. L'esprit chagrin, j'aurais préféré ne pas savoir que l'Egyptien se trouvait à ce moment-là dans la bibliothèque de ses ancêtres.

Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.